tw: anxiété, pression sociale, tca
Maeve a passé un certain temps dans la salle de bain. Chose que Shõta ne comprend pas vraiment, mais cela n'est pas étonnant. Ce soir est important. La BCBC organise un événement pour leur série et ils n'ont pas le droit d'y aller en étant négligés. Têtes d'affiche de The Bold and The Witch, tous les regards seront portés sur eux et leur fascinante histoire d'amour qui fait fondre toutes les ménagères du pays. Maeve sait déjà que la soirée sera longue et qu'elle en sortira épuisée mentalement. Prétendre être follement amoureuse de Shõta n'est pas aussi évident, qu'elle le pensait. Le voir faire semblant est presque plus fatiguant. Il joue très bien la comédie, tant et si bien qu'elle a parfois l'impression d'être réellement en couple avec lui. Puis, la seconde qui suit, il la met hors d'elle et Maeve a envie de l'assassiner.

L'heure est enfin arrivée, et c'est ensemble qu'ils transplanent en direction du Londres Sorcier où se déroule la soirée. Maeve a fait le choix de porter la tenue envoyée par la maison de haute-couture : Dowling & Gardner, dont elle est l'égérie. Sa combinaison lui va comme un gant et semble avoir été faite sur-mesure. Tel un gentleman, Shõta lui prête sa veste, qu'elle s'empresse de poser sur ses épaules. Main dans la main, ils saluent la foule de journalistes et se laissent prendre au jeu des photos. Après quelques poses, ils rentrent enfin dans le bâtiment. Le sourire éclatant de Maeve s'affaisse un peu lorsque la main de Shõta quitte la sienne. Elle s'empresse de lui rendre sa veste. ─ It iz warm inside. Maeve passe une main dans ses cheveux ondulés, et balaye du regard la pièce et les personnes présentes. Quelques secondes plus tard, quelqu'un du crew vient les saluer. Elle en profite pour se faufiler. ─ I'll get something to drink.
Maeve laisse Shõta discuter, il sait mieux faire illusion qu'elle à ce niveau-là. Elle se dirige vers un serveur avec un plateau rempli de coupe d'un pseudo champagne sans alcool. Au moins, il y aura moins de calories, pense-t-elle. Le verre à la main, Maeve aperçoit le buffet un peu plus loin. Son ventre gargouille, elle n'a pas vraiment mangé de la journée. Un petit four ne lui ferait pas de mal. Elle salue plusieurs personnes sur le trajet, avant d'arriver au niveau de la table. Elle attrape un encas, qu'elle s'empresse d'avaler. C'est la bouche encore pleine, que son regard se pose sur la silhouette interrogatrice face à elle. Silhouette qui ne lui est absolument pas inconnue. Maeve manque de s'étouffer et tousse plusieurs fois, avant de faire passer le tout avec une gorgée de sa boisson. ─ What are you doing here? Un mélange d'émotions l'envahit. Il faut dire qu'elle ne s'attendait pas à tomber sur son ex ce soir, alors qu'elle est venue avec son faux mec du moment.

Sourire à un milliard de Gallions posé sur les lèvres, Antoine frappe dans ses mains avec une sécheresse qui fait sursauter les commis de cuisine avec une sorte de frayeur paniquée. Ils commencent tous à très bien connaître le sous-chef Breaux, et ils savent que les grosses soirées comme celles-ci le rendent exigeant, nerveux et propice à tomber sur n'importe quelle faute avec une certaine mesquinerie qui donne envie de pleurer et de rentrer chez soi la queue entre les jambes.
Il goûte les sauces, s'assure de la mise des plats, rouspète quand quelque chose n'est pas fait comme lui le préfère, donne des petites tapes dans les épaules et serre la main à Cousteau, le grand chef de ce soir, qui est plus occupé avec l'administratif et leurs clients qu'avec la cuisine - ça, c'est le rôle d'Antoine.

"Grosse soirée ce soir, n'est-ce pas?" souffle Cousteau quand Antoine pénètre dans son bureau après un pas de côté grâcieux pour éviter l'assiette de caviar en train de léviter en direction de la porte. "Tu dois êtrre content." Son français est bon, excellent même, mais garde cet accent américain sous-jacent qui fait toujours se retrousser les lèvres du chef parisien avec amusement. "Très. Il va y avoir beaucoup de grosses têtes, là-dehors - tu feras attention. J'accueillerai tout le monde, et tu restes près du buffet. Rémi peut s'occuper de la cuisine." Antoine hoche la tête, en parvenant à masquer sa déception, avant de se détourner pour quitter le bureau.

C'est normal après tout - tout le gratin va être invité ce soir, et ces britanniques sont obsédés avec la pureté du sang. Antoine n'est qu'un simple sang-mêlé, contrairement à Cousteau qui descend d'une lignée française de sang-pur. Tant qu'il restera à Londres, il se contentera d'être une petite main en coulisses. Mais il compte bien avoir un jour son restaurant à lui. À New York, peut-être, ou Los Angeles...
Il est en train de penser à ça en se remettant mécaniquement à faire ce pour quoi il est là ce soir. Le buffet est bien mis, la nourriture est excellente, et personne ne fait trop attention aux employés qui remplissent les coupes de champagne, font disparaître les assiettes, et dansent entre cuisine et salle de réception pour apporter les plats à mesure qu'ils disparaissent de leur table. Tout se passe bien, se rassure Antoine qui a une sacrée envie de disparaître aux toilettes se faire un rail de worrynot...

Et puis Maeve fend la foule et apparaît.
Il s'attendait à sa venue, évidemment, à cette réception organisée par la BCBC dont elle est l'une des jeunes stars. Il s'y attendait et pourtant rien ne peut le préparer à l'embardée que fait son coeur dans sa poitrine en la voyant, et la sueur froide qui lui dévale la nuque puis la colonne quand leurs yeux se rencontrent une fois qu'elle a jeté dans sa bouche son blini de tarama de cabillaud magique (it's a thing) et qu'elle s'est à moitié étouffée dessus. "What are you doing here?" Antoine renifle. "I could ask you the same thing, Miss Castellan. What are you doing here?" Nouveau sourire plaqué or alors qu'il lui offre en retour sa question bête; il fait un mouvement de la main vers sa tenue, tablier de cuisinier, chemise blanche clairement trop petite pour ses biceps et pectoraux, et petite toque de cuisinier. "How are you finding the food, Maeve?" Son sang bout dans ses veines et il se sent un peu malade, son estomac retourné dans tous les sens à la perspective de lui parler mais il se force à conserver son air charmant et tranquille, et à ne surtout pas penser à son incapable de boyfriend qui est en train de faire le pitre avec les photographes un peu plus loin.

tw: anxiété, tca
Maeve ne s'attendait pas du tout à croiser Antoine ce soir. Elle est contente de le voir, évidemment. Dans un autre contexte, elle aurait sûrement réagi moins sur la défensive. Mais ce soir est spécial. Tous les regards sont braqués sur elle. Et puis, il y a Shõta. Elle n'a surtout pas envie que les deux se croisent. Tout est déjà suffisamment compliqué comme ça. Nul besoin que son ex croise la route de son nouveau faux mec.
Croiser le regard d'Antoine ne la laisse pas totalement indifférente, mais elle doit faire semblant. Prétendre être follement amoureuse de Purville. Prétendre être froide face à Antoine. Elle sait qu'elle est une bonne actrice, mais peut-être pas à ce point. Leur relation s'est arrêtée de façon abrupte. Ils n'ont pas eu vraiment de closure. Leurs chemins prenaient des directions opposées et Maeve s'est consacrée entièrement à sa carrière. Son nouveau rythme de vie n'était pas compatible avec celui d'Antoine. Peut-être que dans le fond, elle ne voulait pas s'embarrasser d'un mec alors que sa carrière démarrait enfin. C'était stupide et elle a souvent regretté sa décision, avant de finir par l'oublier -à peu près. Puis Maeve s'est mise avec Shõta, pour les apparences, pour la popularité du show, pour les mauvaises raisons. Et Antoine s'est marié. Ils ont réellement évolué dans deux sphères différentes. Les rêves, dont il parlaient ensemble le soir, ne sont plus que des souvenirs désormais oubliés. Parfois Antoine lui manque, ce soir tout particulièrement. Maeve ne peut pas s'empêcher un regard insistant sur sa plastique parfaitement moulée dans son uniforme.  

Elle cligne des yeux et sort de ses pensées lorsqu'il lui renvoie sa propre question. What are you doing here? Maeve prend un air outré. Il est évident qu'elle est ici pour la promotion de sa série, en tant que star de la BCBC. ─ Well, the food iz excellent. But I'm not surprized. You were alwayz a very good cook. Pas besoin de mentir cette fois, elle le pense vraiment. Il mérite la carrière qu'il a aujourd'hui. Nul doute qu'il est fait pour la cuisine. Ce n'est pas Shõta qui lui préparerait des petits plats, au contraire. Maeve reprend un blini, bien qu'elle le regrettera plus tard dans la soirée. ─ That'z really good. Elle fait encore passer le tout avec sa boisson. Maeve se mord la lèvre. Elle a des choses à lui dire qui sont coincées dans sa gorge. Alors qu'elle s'apprête à reprendre la parole, un journaliste lui tombe dessus. ─ Here we are with the star of the evening and London's hottest new chef. Is everything going well for you so far? Maeve fait son plus beau sourire. ─ Chef Breaux did an excellent job. You must try hiz dishez au Palais Magique, dit-elle dans un français parfait. ─ You seem to know Mr Breaux well. ─ I have been lucky enough to try hiz recipes in the past. Et rien que ça, évidemment. ─ I'll let you enjoy it then. Le journaliste s'en va et un poids s'envole de ses épaules. ─ Sorry about that.

"Well, the food iz excellent." Un grand sourire, toujours aussi factice mais toujours aussi chaleureux, s'étire d'autant plus sur les lèvres d'Antoine. Maeve peut bien être l'actrice entre eux deux, mais Antoine lui aussi est très fort pour prétendre, pour cacher ce qu'il pense vraiment sous des risettes en apparence innocente et vulnérable. "But I'm not surprized. You were alwayz a very good cook." Le compliment le désarçonne un peu et il cille, mais ne réagit autrement pas. "Merci," répond-t-il dans un français rigide, en dodelinant de la tête. L'accent de Maeve en anglais est pour lui une musique qu'il aimerait savoir écrire, pour la réécouter en boucle quand il pense à elle - plus souvient qu'il aimerait bien l'admettre, et surtout qu'il aimerait le faire vu son mariage avec Islene.

Maeve enfourne un blini et Antoine reste silencieux, souriant. "That'z really good. - Happy to hear it. You should try the verrine, too." Il devrait se détourner, passer à la célébrité suivante en train de s'attarder devant le buffet pour lui présenter les mets et lui parler un peu des ingrédients et leurs producteurs locaux et agrégés In Safe Hands mais non, il reste là. Il a déjà été éjecté de la vie de Maeve sans qu'on lui laisse le choix, et il est réticent à la voir de nouveau quitter son existence, égoïstement. Un sorcier s'approche à son grand désespoir, mais il voit à son badge que ce n'est qu'un journaliste. "Here we are with the star of the evening and London's hottest new chef. Is everything going well for you so far?" Antoine n'a pas le temps de répondre, Maeve le fait à sa place: "Chef Breaux did an excellent job. You must try hiz dishez au Palais Magique." Antoine glisse les yeux vers elle, surpris. Est-elle venue au Palais depuis son ouverture il y a quelques mois? Pourquoi ne lui a-t-elle pas dit? "You seem to know Mr Breaux well. - I have been lucky enough to try hiz recipes in the past." Le sourire d'Antoine, pour une fois, est sincère en l'entendant.

"I'll let you enjoy it then. - Thanks for coming by. - Sorry about that. - Don't apologize. Although I'm surprised that you're showering me with compliments." Ils ne se sont pas quittés en mauvais termes, loin de là même, mais la distance soudaine et douloureuse qu'ils ont prise a été glaciale, et ils ne sont quasiment pas rentrés en contact depuis leur séparation. Non pas qu'Antoine se soit attendu à recevoir une carte de voeux pour son mariage... "Maybe I should do so as well. I really enjoyed The Christmas Prince series of films." Il sourit, un sourire sincère aussi cette fois, très léger mais présent. "I watch the three of them during the holidays, every holiday. Although... are you cursed and only doing Christmas movies now?" Ses sourcils se haussent en une expression légèrement moqueuse. "When will you be back on stage?"

tw: anxiété Maeve a l'habitude des journalistes. Elle évolue toujours aisément auprès d'eux. Après tout, c'est ce qu'elle a toujours voulu : être une star sous les projecteurs. Maeve a tout fait pour ça, pour arriver à ce moment et elle vit enfin son rêve. Mais ce n'est pas celui de Antoine, et ça ne l'a jamais été. Elle n'aime pas lui imposer cette interview furtive, d'autant plus qu'ils ne se sont pas vus depuis bien longtemps. Trop longtemps même. Elle aurait aimé que les choses se passent différemment entre eux. Mais le destin en a décidé autrement.
Un rire s'étouffe entre ses lèvres. — You dezerve all theze compliments. Même s'il fallait maintenir les apparences autant que possible, il y a une part d'elle qui pensait réellement tout ce qu'elle a dit. Maeve lui adresse un sourire timide en coin. La situation est plutôt étrange, mais elle a l'impression qu'ils pourraient redevenir de bons amis, comme avant. L'anxiété s'est presque volatilisée depuis qu'elle a commencé à parler à Antoine. Il a toujours eu le don de l'apaiser.

— Don't-You don't need to say that-I.. Elle pince ses lèvres. — Thank you. Elle lui adresse un large sourire sincère. Maeve mentirait si elle disait ne pas être étonnée d'apprendre qu'il regarde ses films. Une pointe de fierté s'installe dans sa poitrine. Antoine lui dit même les avoir tous regardés, chaque année pendant les fêtes. Cet aveu lui laisse un sentiment partagé. Sa question la prend de court et l'expression sur son visage la trahit certainement. Maeve ne peut pas s'empêcher de lâcher un rire spontané. Elle n'a pas le temps de lui répondre, qu'il enchaine avec une autre question, moins drôle cette fois. — I like Christmas movies but I assure you I have ozer projects. Thank you for your concern. I appreciate. Elle attrape un verre et en boit plusieurs gorgées d'affilée. — I have no plans to come back on stage at the moment. Maybe later. The show iz already taking up a lot of my time, you know. Elle hausse des épaules. — I'll let you know. If I get back on stage, I mean. Well, if you're interested, I-I... anyway. Elle esquisse des sourires gênés. Pourquoi en aurait-il quelque chose à faire d'une future pièce de théâtre ? Il suffit de quelques minutes en sa présence, pour que Maeve retrouve leurs habitudes. Son regard se pose furtivement sur son annulaire. Son corps se raidit automatiquement. — I'm-I won't bozer you any longer.

Antoine est habitué aux petites conversations sans conséquence de ces soirées tumultueuses où l'hypocrisie et mesquinerie se rivalisent incessament. Il sait sourire, parler, diriger la conversation, inciter à la curiosité, tout en gardant une distance respectueuse et protectrice autour de lui - son seul problème, c'est qu'il n'arrive pas toujours à se séparer de ce masque qui est devenu son visage. Un énième moins de désaccord entre Islene et lui... Mais il ne pense pas à Islene ce soir - elle a prétendu avoir rendez-vous ailleurs pour y échapper, tant mieux: l'invitation d'Antoine n'était pas sincère - et se laisse plutôt bercer par la familiarité de son interaction avec Maeve.

Il aime la voir sourire, et être un peu embarrassée, et le remercier. Il aime la fierté qui colore ses joues d'un rose séduisant, tout comme il aime le regard surpris qu'elle a juste avant de rire - un son rapide et merveilleux qui rythmne l'envolée du coeur d'Antoine dans sa poitrine. Ses joues le tirent légèrement sous ses yeux là où elles sont entaillées d'un sourire, plus grand que d'habitude, presque inconfortable sur son visage tant il y est inhabituel. "I like Christmas movies but I assure you I have ozer projects. Thank you for your concern. I appreciate." Il renifle en l'entendant, amusé. "Christmas movies are the best kind," dit-il avec douceur, avec un souvenir vif des téléfilms qu'il regardait avec sa famille à Noël, fût un temps. "I have no plans to come back on stage at the moment. Maybe later. The show iz already taking up a lot of my time, you know." Oui, et sa relation avec Jonas Montevile Whatever - les yeux d'Antoine sont attirés par eux-mêmes en direction de la silhouette de son interprête, en train de murmurer à l'oreiller d'une journaliste avec un sourire, la faisant rougir d'embarras ou d'excitation ou les deux quand il se détache.

Quel merveilleux fiancé. "I'll let you know. If I get back on stage, I mean. Well, if you're interested, I-I... anyway." Les yeux d'Antoine reviennent à Maeve. "I'd love that," dit-il sincèrement. "I will be waiting for a VIW ticket however," sourit-il. Il a toujours voulu être un very important wizard et se pavaner devant tout le monde avec fierté. Antoine ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, de conversationnel et de sympathique, pour qu'ils puissent continuer de discuter, mais suspend ses gestes quand les yeux de Maeve effleurent ses doigts et qu'il sait ce qu'elle y voit.

C'est un réflexe. La main d'Antoine disparaît dans son dos, honteuse, alors qu'il fait rouler l'alliance autour de son annulaire dans un geste réconfortant et familier. "I'm-I won't bozer you any longer. - You don't bother me," répond-t-il d'un ton lisse. "But I understand that you have other obligations and I wouldn't want you to feel compelled to talk to the help all night." Antoine lui offre un sourire étincelant, factice - digne d'une acteur. "Maybe I'll see you later?" propose-t-il, le genre d'offre insincère qui n'aboutit jamais. Il ajoute tout de même: "I finish at eleven." Cette fois, c'est plus concret. À vingt-trois heures, il aura fini de papillonner socialement et la fête sera elle-même officiellement finie depuis une heure. Il aura fini de ranger, de nettoyer, de rassembler son équipe. Peut-être qu'il se laissera tenter par une cigarette dans la ruelle derrière le bâtiment, partagée avec le reste des cuisiniers, qu'il regrettera le lendemain.
Peut-être que Maeve sera là.

Il lui adresse un clin d'oeil, avant de s'incliner légèrement dans sa direction. "I hope we get to talk," lui confie-t-il doucement, avant de se détourner pour aller s'occuper de quelqu'un d'autre, le souvenir brûlant du rire de Maeve gravé dans ses pensées.

tw: anxiété, tca, vomissements,
dépréciation de soi-même
La conversation avec Antoine lui fait presque oublier qu'il est marié. Quand elle l'a appris, Maeve a failli s'effondrer. Une part d'elle a toujours pensé, qu'un jour ils finiraient par se retrouver, après toute cette mascarade pour les médias. Ce mariage a définitivement scellé la fin de leur relation. Après tout, il mérite mieux qu'une lâche incapable d'avoir une conversation adulte. Maeve l'a quand même détesté au début, surtout en apprenant qu'il allait épouser une cousine à elle. Sa fierté a eu du mal à s'en remettre. Maeve a fini par l'accepter. Enfin, c'est ce qu'elle pensait jusqu'à cet instant. Retrouver leurs habitudes est une douce mélodie qu'elle voudrait écouter toute la journée. Voir son alliance est une douche froide après le moment qu'ils viennent de partager ensemble. Par réflexe, elle mord l'intérieur de sa joue et préfère le laisser seul. — It's alwayz a pleazure to talk to you, you know that. Le fossé qui les sépare s'immisce de nouveau entre deux. Mais elle ne peut pas continuer à discuter ainsi avec lui, un sourire aux lèvres, alors que son fiancé se trouve dans la même pièce et que les caméras sont tournées vers eux.

D'un sourire pincé, Maeve lui adresse un geste maladroit de la main, commençant à reculer pour s'en aller plus loin. Elle ne sait pas quand ils se reverront. Cette pensée lui serre l'estomac. Maybe I'll see you later? La question d'Antoine fait bondir son cœur plus que de raison. — Maybe, lui glisse-t-elle, en ne manquant pas de retenir l'heure de la fin de son service. Ce rendez-vous presque secret lui donne une sensation de bien-être absolument égoïste et terrifiante. La raison lui crie de rentrer avec Shõta ce soir, dès que la soirée se termine. Mais l'idée de passer un moment avec Antoine, loin de la foule, est bien trop tentante. — Me too. Maeve essaye de contenir son sourire stupide, mais elle n'y arrive pas vraiment. Elle a vraiment l'air d'être une adolescente incapable de se retenir. Elle prend une grande inspiration et remet son masque pour la soirée.
D'un pas sûr, et avec un air confiant, Maeve s'empresse d'aller retrouver Purville. Elle attrape son bras et roucoule à ses côtés, comme elle sait si bien le faire devant et derrière la caméra. — I'm sure you missed me, dit-elle. Ce à quoi il répond par un sobre baiser sur sa joue. — What a great couple! Un sourire et la soirée continue. Les conversations s'enchaînent, tout comme les interviews et autres présentations. On diffuse même quelques extraits des prochains épisodes. On complimente Maeve sur sa tenue  et sa silhouette impeccable. La soirée est un succès incontestable. Malgré cela, elle se retient de jeter de regards en direction d'Antoine. Son rythme cardiaque s'accélère un peu en pensant au rendez-vous qu'il lui a donné.

La soirée s'achève tranquillement et Shõta lui propose de continuer à faire la fête avec d'autres acteurs de la série. — I don't feel very well. Next time. Il s'agit d'un demi mensonge, puisqu'elle s'empresse d'aller aux toilettes une fois Purville parti avec le reste de la bande. Maeve s'empresse de se débarrasser de tout ce qu'elle a mangé ce soir en se faisant vomir. Savoir que Shõta va certainement terminer la soirée avec une fille lui donne la nausée et la fait vomir une seconde fois. Maeve reste plusieurs minutes, à genoux sur le sol carrelé des toilettes. Comme toujours, elle se sent mal, mais n'arrive pas à faire changer les choses. Parfois, elle se sent coincée dans cette vie dont elle a toujours rêvé. Elle se relève ensuite, et s'empresse d'enlever le goût de sa gorge et de sa bouche. Maeve en profite pour se refaire une beauté, et ne pas donner l'impression qu'elle est malade. Heureusement que la magie, pense-t-elle, alors qu'elle redevient fraîche en un mouvement de baguette. Elle utilise le premier sortilège que sa mère lui a appris. Parce qu'il n'y a que les apparences qui comptent.

En sortant des toilettes, elle se rend compte qu'il n'y a presque plus personne et se rappelle soudainement du rendez-vous avec Antoine. 23h05. Elle jure entre ses lèvres et s'empresse de rejoindre les cuisines en arrière-plan. — Haz anyone seen Chef Breaux? On lui indique la porte de service qui mène à la ruelle parallèle au bâtiment. Maeve se dépêche de rejoindre la sortie et lorsqu'elle pousse la porte, et voit Antoine, un soupir s'échappe de ses lèvres. — Sorry I'm late, I couldn't get out of a conversation.

Maybe, lui a dit Maeve, et Antoine entend sa voix lui répétant ce mot entre chacun de ses battements de coeur. Maybe, maybe, maybe - il a l'impression d'être sur un petit nuage, et il refuse de se sentir coupable. Islene, elle, n'a manifestement pas ce genre de préoccupations par rapport à leur mariage, n'est-ce pas? À la pensée de sa femme, d'un geste mécanique, Antoine effleure son alliance avec son pouce, alors même qu'il est pris dans une conversation rapide avec un journaliste. Cette anneau autour de son doigt est tellement important pour sa vie, sa carrière, sa réputation. Mais plus pour lui.

Il passe le reste de son service concentré sur son travail, alternant entre la salle de service et les cuisines, ordonnant ses employés avec sa fermeté tranquille habituelle. Les autres chefs l'aiment bien. Antoine est exigeant, parfois sévère mais loin d'être rigide.
La soirée est un succès. Il finit à 22h30, officiellement, mais il profite du temps qu'il a en plus pour s'assurer que tout est en ordre. Il commence à congédier quelques membres de la team en les félicitant et en leur disant de se reposer demain - la plupart ne travaille pas - et quand on lui retourne ses voeux, Antoine rit. Il n'aura pas le luxe du repos mais qu'importe: c'est comme ça qu'il aime sa vie.

Au final, il sort dans la petite ruelle derrière la salle de réception avec une cigarette coupable, "empruntée" à un collègue. Il la fait rouler contre sa paume nerveusement, pesant le pour et le contre. Son corps est un temple qu'il n'aime pas blasphémer. Et Islene n'aime pas quand il fume et-
Islene n'est pas là. Leur appartement, well, son appartement, est vide et froid. Il n'y a que ses animaux qui l'y attendent: son chat Cawn et ses serpents Tiamat et Sseth dans leur vivarium. Ses livres. Son succès. Ce devrait être suffisant.
Il allume la cigarette.

Il pousse un soupir de soulagement quand il se retourne en entendant la porte de service s'ouvrir, et en y trouvant Maeve. Un nouveau sourire, sincère, grimpe immédiatement sur ses lèvres. "Sorry I'm late, I couldn't get out of a conversation. - You're not late!" proteste-t-il aussitôt avec un rire, tendant le bras pour regarder sa montre. "I'm surprised you showed, actually. I thought you'd be..." With your fiancé. Il ne finit pas sa phrase, se contente de sourire en inclinant la tête vers elle. "I'm glad you're here." Il la regarde avec moins de restreinte que quand ils étaient en public, la détaillant des pieds à la tête sans gêne. "You look very pretty." Le compliment lui vient si facilement, et il sent un pincement de culpabilité et de regret qu'il enfouit bien vite au fond de sa poitrine. "I'd offer you a cigarette but I hear it's very bad for one's health, and I only have this one," marmonne-t-il d'un air désolé en reprenant le clou de cercueil entre ses doigts. "And it would be most unhygienic to share." L'éclat joueur dans ses yeux, à l'idée que leurs lèvres puissent se toucher, même à travers un objet, a un air presque défiant.

Rapidement, toujours un gentlemen, Antoine se défait de sa veste et la lui tend. "Here, before you catch a cold. Wouldn't want to lose your voice, hm?" Quel muffle, ce Purville, de laisser un tel joyau hors de sa portée... Pendant la soirée, Antoine a pu les voir interagir. Il a du mal à comprendre ce qu'elle lui trouve...

tw: cigarette, mention tca
Ce rendez-vous a un goût d'interdit, mais Maeve ne sait pas résister à l'envie de passer un moment auprès d'Antoine. Cela fait une éternité qu'ils ne se sont pas croisés. Leurs carrières respectives ont sonné le glas de leur relation. Il n'y a pas de rancoeur entre eux, pas du côté de Maeve en tout cas. Elle regrette juste de voir une alliance ternir l'annulaire d'Antoine, autant qu'elle regrette le contrat qui la lie à Shõta. Maeve a l'impression de n'avoir aucun contrôle sur sa vie sentimentale. Elle ment ouvertement sur son couple frôlant la perfection. Mais il n'y a rien de parfait entre elle et Shõta. Ils sont trop pourris l'un et l'autre pour en sortir quelque chose de bien. Antoine, en revanche, n'est en rien comme Purville. Un goût de regret envahit sa bouche. Elle imagine pendant quelques secondes, à quoi aurait ressemblé leur vie s'ils ne s'étaient pas séparés. Sa carrière d'actrice n'aurait certainement pas autant décollé, ou peut-être que si. Impossible de savoir comment les choses se seraient déroulées. Maeve est seulement nostalgique d'une époque plus simple.

Elle descend les trois marches à la sortie de la porte de service et fait quelques pas pour rejoindre Antoine. Maeve ne se rapproche pas trop près, juste au cas où quelqu'un verrait ce qu'il ne doit pas voir. Même si la rue semble déserte, elle ne veut pas prendre un risque démesuré pour le moment. La présence d'Antoine risque certainement de la désarçonner un peu.
Maeve lui sert un immense sourire sincère. — I'm glad too. Il enchaine avec un compliment et elle se retient de lui répondre. Elle pince ses lèvres et rougit certainement de façon disproportionnée. Maeve baisse son visage une seconde pour souffler. Elle est aussi excitée qu'une adolescente face au compliment de son crush. Et puis, il serait déplacé de réagir ou de lui renvoyer le même compliment, alors qu'elle s'affiche au bras de Shõta et que sa femme à lui l'attend chez eux. Un rire s'étouffe contre sa bouche lorsqu'il lui fait un petit speech sur la cigarette. Maeve n'avait pas pour habitude de fumer avant. Maintenant, elle ne peut se retenir d'en griller une ou deux lorsqu'elle stresse trop. — We shared more than that. Elle ne peut pas s'empêcher de lui répondre du tac au tac, sans mesurer ses paroles. Il est vrai que partager une cigarette avec un ex n'est certainement pas la meilleure chose à faire, encore moins alors qu'elle doit prétendre être follement amoureuse de Shõta.

Antoine retire sa veste et la lui tend, tel le gentleman qu'il a toujours été. Maeve hésite l'espace d'une seconde puis attrape le vêtement et l'enfile sur ses épaules nues. Elle est évidemment trop grande pour elle, mais elle se sent bien mieux sans le vent pour venir effleurer sa peau. L'odeur d'Antoine la frappe de plein fouet. Cela fait des années qu'elle ne l'a pas senti. Maeve s'emmitoufle dedans et enroule ses bras autour de sa taille. — That'z better. Thank you. Nouveau sourire au coin des lèvres. Maeve s'assoit sur le rebord d'une fenêtre, se rapprochant de lui. — I don't mind sharing a smoke. Sûrement une très mauvaise idée, après s'être vidée de tout ce qu'elle a mangé ce soir. — If you want to.

We shared more than that. Difficile de garder son sourire bien ancré sur ses lèvres quand il a envie de les mordre, de les laisser se tirer en une grimace jalouse et triste. Ils ont tellement partagé, se sont tellement offerts, se sont tellement aimés - et maintenant, ils sont à peine mieux que deux étrangers qui se protègent du froid, séparés par un nuage de nicotine. Le regret s'immisce sous la peau d'Antoine comme une légion de petites fourmis de feu, qui pincent et qui mordent et qui griffent son corps tout entier et le mettent sur le qui-vive.

Mais, malgré tout, la gêne et le regret et la culpabilité et la jalousie et la colère, le sourire demeure. Le regard aussi. Antoine regarde Maeve comme si il craignait qu'elle disparaisse si il osait détourner les yeux. "That'z better. Thank you. - You're very welcome." Il ne la lâche pas du regard quand elle s'assied contre le rebord de la fenêtre, et qu'il tire une taffe silencieuse de nicotine. "I don't mind sharing a smoke." Antoine arque un sourcil, ses lèvres étirés d'un sourire incertain. "If you want to. - Anything for you always, Maeve. " Il inspire profondément avant de lui tendre la cigarette, directement vers sa bouche, sans lui laisser la prendre. Il sent ses lèvres s'enrouler autour du filtre et effleurer l'intérieur de ses doigts et la regarde dans les yeux quand elle inspire.

Antoine sent son coeur battre un peu trop vite et fort dans son cou, et cache sa gêne et sa main gourde en la ramenant contre lui. "So, uh, trying your hand at the classic "co-stars who are dating" PR thing, I wager?" Il essaye de parler d'un ton tranquille et décontracté, comme un ami le ferait, avec un petit sourire en coin. Mais sa voix est plus tranchante qu'elle ne devrait, et son sourire aussi. "It's quite sad that it all comes down to this in your world. What people see of you, what people think of you, what they think they know of you..." Il hausse les épaules. Lui la voyait vraiment pour qui elle était, à l'époque; lui pensait à elle tout le temps, à l'époque; lui pensait qu'elle était la meilleure actrice de ce côté de la Tamise, à l'époque. Mais elle se fiche de son opinion, désormais. "At least he's a pureblood. I hear you think it's most important, now." Cette fois, son amertume n'est ni dissimulée, ni même abrégée; honteux, Antoine détourne le visage avec une expression pincée et heurtée.