C'était une défaite pour les Rowdy Raven. Haniah en était restée profondément sonnée. L'autre attrapeur avait été plus endurant qu'elle et avait refermé les doigts sur le vif d'or avant elle. Victoire pour l'équipe adverse. 150 points supplémentaires. Tout ça parce qu'elle n'avait pas été assez résistante. Assez rapide. Assez forte. Assez performante.

Haniah se sentait affreusement responsable. Elle ne pouvait qu'endurer l'ambiance lourde de l'équipe et, pire que ça, les reproches hurlés par son capitaine. Dans d'autres circonstances, elle aurait probablement trouvé l'énergie d'affirmer sa détermination renouvelée, d'entamer un discours enflammé, mais à cet instant précis, les mots étaient restés bloqués, un silence de plomb.

Une boule dans le ventre, une autre dans le gorge, elle avait accepté les critiques, la colère, retenant difficilement les larmes qui voulaient couler. Pas devant son capitaine. Pas devant son équipe. Elle n'avait pas le droit de pleurer alors qu'ils avaient perdus à cause d'elle.  Parce qu'elle n'était pas assez entraînée. Parce qu'elle n'était pas assez préparée.

Elle était restée assise sur le banc dans les vestiaires, la tête basse, incapable de soutenir les regards de ses coéquipiers. Haniah était figée, en proie à une panique qu'elle peinait à maîtriser, cette peur sourde d'être là sans le mériter, de prendre la place d'une personne qui serait bien meilleure qu'elle. S'était-elle trompée ? L'avaient-ils également pris pour son statut de Sang-Pur ? Enduraient-ils la défaite parce qu'ils avaient dû prendre une joueuse moins douée, mais plus "appropriée" ?

Haniah n'aurait pas su dire combien de temps s'était passé lorsqu'elle avait finalement relevé la tête et réussi à se tirer de ses pensées obsédantes, mais la nuit était largement tombée et elle était seule à être restée. La jeune femme prit une profonde inspiration, avant de se donner plusieurs gifles pour revenir complètement à la réalité. Elle essuya ses joues humides, avant de se redresser et de se diriger vers le terrain.

Elle ne s'était pas assez entraînée ? Ca pouvait se réparer ! Elle n'était pas assez préparée ? Eh bien, elle le serait pour leur prochain match. Les poings serrés, Haniah était arrivée sur le terrain et avait commencé à s'échauffer. Après un match et malgré le temps passé à  se lamenter silencieusement dans les vestiaires, ses muscles étaient endoloris, mais qu'importe. Haniah était décidée et sa détermination pouvait déplacer des montagnes.

Elle avait couru, en long, en large et en travers. Elle s'était étirée en ravalant ses gémissements douloureux et les larmes qui voulaient encore couler. Remontée sur son balai, elle filait à toute vitesse, répétant inlassablement les mêmes techniques, les mêmes manoeuvres, pour tenter d'atteindre la perfection. Descente en piquée, virage de dernière minute, la tête en bas...

Haniah lâcha un vif d'or et le poursuivit, encore et encore. Elle ne se trouvait jamais assez rapide, assez agile, assez performante. Dès qu'elle se heurtait à ses limites, la jeune fille devait trouver un moyen de les repousser. Encore et encore.

Sa main se referma sur le vif d'or. Une fois. Deux fois. Trois fois. Encore. Et encore. Et encore. Ses doigts agrippèrent la balle ailée et une douleur aiguë la saisit lorsque l'un de ses ongles se brisa net.

Mais Haniah était décidée à ne s'arrêter que lorsqu'elle serait pleinement satisfaite. Que lorsqu'elle aurait décidé qu'elle avait rattrapé ses erreurs. Qu'elle était suffisamment punie pour la défaite qu'elle avait fait subir à son équipe. Un ongle cassé, ce n'était rien. Elle aurait dû les couper plus court, voilà tout. C'était de sa faute. Comme tout le reste.

Son souffle était court, la respiration difficile. Haniah voyait des étoiles, mais elle tenait bon. Coûte que coûte. Elle devait attraper le vif d'or. Il fallait qu'elle le saisisse et qu'elle soit meilleure que ses adversaires ! Qu'elle gagne, encore et encore ! Que vaudrait-elle si elle n'apportait pas la victoire à son équipe ? S'ils perdaient, encore et encore, à cause d'elle, parce qu'elle ne méritait pas sa place ?

Le vif d'or fila vers le sol. Elle le suivit à toute vitesse, mais elle n'était pas assez rapide. Elle pouvait le sentir, l'autre attrapeur. Il allait s'emparer de la victoire. Et elle allait perdre. Perdre !

Haniah n'hésita pas. Malgré la distance qui la séparait de la terre ferme, elle se jeta de son balai pour attraper le vif d'or. Ses doigts se refermèrent sur la balle dorée, alors qu'elle atterrissait durement sur le sol. Ses dents s'entrechoquèrent et elle put sentir l'une d'entre se briser. Une autre onde de douleur. Une autre dose de souffrance. Mais pas assez. Pas assez pour réparer ses propres torts.

Une pluie battante s'était déchaînée sur le terrain. Trempée, à quatre pattes, Haniah tentait de prendre appui sur ses mains pour se mettre debout, sans succès. Elle tremblait de tous ses membres, épuisée, endolorie :

"Relève-toi..."

Ses doigts s'enfonçaient dans le gazon et elle s'acharnait, sans succès, incapable de prendre suffisamment appui pour quitter sa position actuelle. Un cri frustré franchit le seuil de ses lèvres et elle s'exclama, plus fort encore :

"RELEVE-TOI !"

Mais en vain. Après plusieurs tentatives, un sanglot lui échappa. Et elle s'effondra de tout son long sur le terrain, recroquevillée, murmurant inlassablement de se relever. Elle ne pouvait pas abandonner. Pas maintenant. Elle devait encore s'entraîner. Elle n'était pas assez forte. Pas assez préparée. Pas à la hauteur de ses coéquipiers. De son capitaine.

Capitaine qui, elle l'ignorait, était là, sur le terrain. Depuis combien de temps ?

Marcus a grandi depuis Hogwarts, et ça veut dire savoir accepter la défaite et apprendre à être fairplay. Il n’est plus du genre à détruire un vestiaire parce que son équipe a perdu, ni à menacer ses coéquipiers de leur casser la gueule s’ils ne font pas mieux la prochaine fois. Il a grandi, mûri, et ça veut dire qu’aujourd’hui, il sait encaisser une défaite sans péter un plomb.

Quand elle est méritée.

Marcus accepte la défaite sans broncher lorsque l’équipe d’en face est clairement meilleure, lorsqu’il n’y a rien qu’ils auraient pu faire parce que leurs adversaires sont d’un autre niveau. Il faut admettre également que son humeur générale a une nette influence sur sa manière de digérer la nouvelle. Et en ce moment, Marcus ne dort pas très bien. Le dosage qu’ils ont décidé de tenter avec Daphne n’est clairement pas le bon et ça fait quelques jours que Marcus est une bombe prête à exploser.

Alors quand le sifflet retentit et qu’on annonce au micro qu’ils ont perdu alors que ça fait des heures que tout le monde se démène et donne tout sur le terrain, Marcus parvient à peine à rester le temps de saluer ses adversaires. Les poings serrés, la mâchoire crispée, tout le monde peut voir qu’il est à deux doigts d’étriper quelqu’un et c’est presque à reculons que les Rowdy Ravens retournent dans le vestiaire.

Où Marcus explose, littéralement. Tout le monde en prend pour son grade, mais le pire, c’est Haniah. Parce qu’elle n’a pas assez rapide, parce qu’elle n’a pas suffisamment poussé à son goût, parce qu’elle n’est pas Phil. Il beugle et un banc paye le prix de sa colère, se retrouve propulsé contre un mur où le meuble se brise et tombe dans un fracas assourdissant. C’est à ce moment-là que Neil intervient et qu’elle finit par le tirer hors du vestiaire.
C’est elle qui se met à gueuler cette fois et ils hurlent si fort dans le couloir que tout le monde les entend, c’est évident. Les cris ne s’arrêtent que lorsque Marcus décide de se tirer et d’aller prendre l’air. Neil ne proteste pas, elle sait que dans ces cas-là, le laisser partir est la meilleure chose à faire.

Marcus récupère son balai et file le plus loin possible.

Le terrain des Rowdy Ravens se trouve en plein milieu de la forêt et ça lui permet d’aller faire un tour sans s’inquiéter d’être vu par des moldus. Il ne sait pas trop combien de temps il reste là-bas dehors, à errer sans but si ce n’est essayer de vider son esprit et se calmer un peu, mais il finit par faire nuit et Marcus se décide enfin à rentrer. Il n’est pas surpris de voir que l’endroit est désert et que tout le monde est rentré. Il est trempé et franchement frigorifié, alors c’est la direction du vestiaire des hommes qu’il prend pour se débarrasser de ses protections et de son uniforme.
La douche brûlante l’aide un peu à dénouer ses muscles tendus et surtout, à décompresser. Marcus en profite pour rester là un moment et lorsqu’il se décide enfin à sortir, sa peau est rougie et la fatigue le frappe de plein fouet. Il a à peine commencé à se rhabiller lorsque la porte du vestiaire s’ouvre et il se fige en apercevant Meredith qui le fixe d’un air sévère, les lèvres pincées.

“J’aurais pu être à poils,” qu’il grogne en enfilant un t-shirt.

“Please, ce serait pas la première fois,” dit-elle en levant les yeux au ciel. Elle marque un point.

Son jean et une paire de chaussettes sont les suivants et avec un soupir, Marcus se tourne vers elle.

“Je sais, tout le terrain m’a entendu, tu vas galérer à faire en sorte que ça s’ébruite pas, je suis un sale con et tu me détestes,” dit-il d’un air las.

“Oui, tu as plutôt bien résumé. J’ajouterai également que si tu veux prouver que tu mérites ton titre de Capitaine, tu devrais aller jeter un coup d’oeil à ce qui se passe sur le terrain,” dit-elle et Marcus fronce les sourcils.

Il veut lui demander ce que ça veut dire, mais Meredith tourne les talons et se tire sans lui laisser le temps d’ajouter quoi que ce soit.

Ugh, women. Flint finit de se rhabiller, enfile rapidement ses chaussures et attrape son sac avant de quitter les vestiaires pour se diriger vers le terrain. La première chose qu’il constate est qu’il pleut des cordes, ensuite, qu’il est dése-- ou pas. Il voit une silhouette qui file droit vers le sol et malgré l’obscurité et la pluie battante, il ne lui faut pas longtemps pour reconnaître Haniah.
Haniah qui se jette de son balai et qui attrape le vif d’or. La chute est inévitable et Marcus n’a même pas le temps de sortir sa baguette pour tenter de l’amortir. Les yeux écarquillés, il reste planté là, le souffle un peu coupé alors qu’il la voit lutter pour se relever, sans succès.

"RELÈVE-TOI !" Le cri désespéré fend le silence de la nuit et Marcus sent sa gorge se nouer.

Merde.

Merde, merde, merde.

Ce qu’il peut être con, parfois. Tant pis pour la pluie, Marcus s’empresse de traverser le terrain et de rejoindre la jeune femme qui s’est recroquevillée sur le sol tandis que de terribles sanglots secouent son corps.

Il a fait ça.

Parce qu’il est toujours aussi inapte à gérer ses propres émotions, sa propre frustration, il est responsable de l’état dans lequel elle se trouve et Marcus a envie de se mettre des baffes. Alors il s’accroupit et hésite, puis finit par poser une main sur l’épaule de sa coéquipière.

“Hey, Shacklebolt,” commence-t-il d’une voix un peu rauque. Nul. “Haniah,” dit-il cette fois. ”T’en as fait assez, tu-- oh et puis merde,” qu’il soupire avant de passer un bras sous ses genoux, de caler l’autre dans son dos pour la soulever avec un grognement. Heureusement, elle ne pèse pas bien lourd, alors même si la pelouse glisse, il parvient à se relever.

“Accroche-toi,” qu’il marmonne. “Tu vas choper la mort si tu restes là,” se justifie-t-il avant de prendre la direction des vestiaires.

Une main posée sur son épaule tira Haniah de sa litanie. Les mots qu'elle répétait inlassablement moururent dans sa gorge, ne laissant que des sanglots à peine audibles, secouant son petit corps. La voix de son capitaine se fit audible et Haniah écarquilla les yeux, consciente de l'état dans lequel il venait de la surprendre. Elle voulut se redresser, mais son corps, tel une poupée de chiffon, avait cessé de lui obéir et demeurait mou, inerte, tout juste secoué par des tremblements de froid et de désespoir.

Haniah se sentit soulevée, portée par celui qu'elle respectait tant et qu'elle avait pourtant déçu. Elle ne pourrait jamais se le pardonner. Marcus n'était pas censée la voir si vulnérable. Ce n'était pas elle. Haniah était forte, persévérante, une battante qui continuait coûte que coûte à lutter, à se battre, à se relever. Elle n'était plus la gamine qui s'était effondrée après ses BUSEs, submergée par la peur d'avoir échoué, l'énergie dépensée pour contrer cela et l'angoisse de devoir renoncer définitivement à sa passion.

Elle était Haniah Shacklebolt, attrapeur des Rowdy Raven, joueuse de Quidditch, une jeune femme adulte qui savait ce qu'elle voulait et qui travaillait pour l'obtenir. Qui avait gagné sa place parce qu'elle la méritait. Alors, pourquoi ? Pourquoi était-elle aussi faible ? Pourquoi n'avait-elle pas donné la victoire à son équipe ? Pourquoi n'avait-elle pas pu se relever seule ? Pourquoi devait-elle se reposer ainsi sur son capitaine ?

Haniah se mordit la lèvre. La douleur irradiait dans sa bouche, sa langue pouvant aisément sentir cette dent qui s'était brisée sous l'impact. Sa main la faisait également souffrir, un ongle brisé, presque arraché, dans l'effort de saisir le vif d'or du bout des doigts, de pallier à sa petite allonge, à sa taille de guêpe, à tout ce qui pouvait représenter chez elle un obstacle pour parvenir à la victoire. Mais tout cela n'était rien face au tumulte qui régnait dans son âme, cette sourde culpabilité qui découlait tout naturellement de sa détermination à prouver qu'elle méritait sa place en toutes circonstances.

Elle avait mille choses à dire, mille promesses à faire qu'elle comptait toutes tenir, mais sa gorge était serrée par la soif, par la fatigue, par la tristesse, par le cri furieux qu'elle avait poussé précédemment et elle ne put qu'articuler faiblement, le regard baissé :

"D... Désolée..."

Désolée d'avoir perdu. Désolée d'être dans l'équipe quand elle ne le méritait visiblement pas. Désolée de le forcer à supporter le poids qu'elle représentait, de bien des manières. Désolée d'être là, tout simplement. Tant d'idées qu'elle ne parvenait pas à faire sortir, qui restaient coincées ici, dans son crâne, à tourner encore et encore dans une ritournelle infernale.

Ses sanglots s'étaient peu à peu tus, laissant place à un silence épuisé, presque résigné. Elle cessa de sentir les gouttes de pluie tomber sur sa peau et retrouva la chaleur des vestiaires, à l'abri des intempéries. Haniah avait probablement dû perdre conscience pendant quelques instants, car elle ne réalisa pas immédiatement qu'elle avait quitté l'abri des bras musclés de son capitaine. Ses yeux papillonnaient, son souffle court peinant à retrouver un rythme normal.

Elle devait retourner s'entraîner. Elle perdait du temps et Marcus aussi. Il méritait mieux que cela de sa part. Haniah chercha une nouvelle fois à se redresser, mais impossible de quitter la surface sur laquelle elle reposait. Elle tremblait, frigorifiée. Succombait face à ses doutes, sa peur, son angoisse d'occuper une place qu'elle n'aurait pas dû avoir, qui aurait dû appartenir à quelqu'un d'autre qu'elle, quelqu'un de meilleur. Sa vision était trouble, ses pensées embrouillées.

Les mots étaient difficiles à sortir, mais elle les extirpa douloureusement de sa gorge, les tirant de son for intérieur comme une pince s'emparerait tant bien que mal d'une peluche à attraper :

"Dé... Désolée. Je... J'vais aller mieux. Très vite."

Haniah se mordit furieusement la lèvre, jusqu'au saignement. Une douleur plus vive, plus aiguë, sur laquelle se focaliser, pour l'aider à collecter ses pensées, à se concentrer sur ce qui l'entourait et plus précisément sur la situation présente.

Elle se rappelait avoir usé de ce genre de méthodes durant son année de BUSEs. Se plantant une fourchette dans la jambe lorsqu'elle faiblissait dans ses révisions. Se mordant violemment les lèvres, les doigts, la langue encore et encore, jusqu'à ce que, incapable de penser à autre chose à cause de la douleur, les leçons soient rentrées dans son crâne, à force de les relire encore et encore.

Mais ce n'était pas assez pour trouver la force de se relever, pour mobiliser son corps éprouvé. Elle ne pouvait que parler, de cette voix légèrement fiévreuse, de ce timbre hésitant, si éloigné de son aplomb habituel :

"Dé... Désolée. Pour le match. P-Pour n'avoir rien dit dans les v... dans les vestiaires. Pour... Pour Phil."

Le nom était sorti, étranglé. Phil. Cette ombre qui planait sur l'équipe. Celui dont elle devait prendre la suite. Celui dont elle remplissait le rôle. Ils n'avaient eu besoin d'elle que parce que Phil était parti. Mort. Elle n'était pas l'ancien attrapeur et elle ne serait jamais comme lui. Elle le savait, comme elle savait, plus jeune, qu'elle ne pourrait jamais être Cedric Diggory.

Mais si elle était incapable de lui faire honneur, si elle n'était là que parce qu'elle avait un statut et non parce qu'elle le méritait... Que faisait-elle encore ici, dans l'équipe ? A occuper Son poste, Sa place ?

"Je... Je ferai mieux. Je serai m-meilleure encore. Pour lui et... et pour l'équipe. Je..."

Haniah s'interrompit, un couinement douloureux s'extirpant de ses lèvres. La chute avait été difficile. Les efforts surdimensionnés réalisés par la jeune femme n'avaient pas aidé. Haniah avait l'impression que son corps entier irradiait, une chaleur qui, après un tel coup de froid, n'était pas bon signe...

"D... Désolée..." qu’elle balbutie et Marcus sent sa gorge se nouer. “Chut,” qu’il réplique mais déjà, Haniah a fermé les yeux et se détend complètement dans ses bras, à demi-consciente. Les dents serrées, il prend la direction de l’infirmerie et dépose la jeune femme sur le lit où elle se met à trembler, visiblement frigorifiée. Marcus laisse échapper un juron et se dépêche de récupérer de larges serviettes pour en passer une autour de ses épaules. Hélas, ce n’est pas suffisant pour faire cesser ses tremblements, alors le jeune homme commence à retirer une par une les protections de quidditch tout en frottant sa peau gelée par la pluie. Il bataille un moment avec ses bottes et finit par lui enlever, de même pour ses chaussettes avant d’attraper ses pieds froids pour les réchauffer avec l’épaisse serviette, les sourcils froncés et les lèvres pincées alors qu’il se concentre sur sa tâche.

"Dé... Désolée. Je... J'vais aller mieux. Très vite." Marcus se fige, parce qu’il ne s’attendait pas à l’entendre de si tôt, et lève les yeux pour la fixer d’un regard sombre alors qu’elle peine à rester éveillée, clairement épuisée et toujours transie de froid. "Dé... Désolée. Pour le match. P-Pour n'avoir rien dit dans les v... dans les vestiaires. Pour... Pour Phil." Son coeur manque un battement et ses yeux s’écarquillent lorsqu’il entend ce nom dans la bouche d’Haniah.

“Tu--”

"Je... Je ferai mieux. Je serai m-meilleure encore. Pour lui et... et pour l'équipe. Je..."

“Hey, hey, stop,” dit-il fermement avant de réaliser qu’il serre ses chevilles un peu trop fort et d’immédiatement relâcher son emprise en marmonnant des excuses. Pendant une seconde, Marcus ferme les yeux et prend une profonde inspiration.

C’est de sa faute.

La mort de Phil est encore imprimée dans son esprit et à chaque fois qu’il y pense, Marcus a la rage au ventre et une envie de détruire tout ce qui lui tombe sous la main. Voir Haniah voler à la place qu’il occupait, la voir porter le numéro qui était le sien, c’est un rappel constant que Phil n’est plus là parce qu’on l’a assassiné.

Mais elle n’est pas responsable.

Ce n’est pas Haniah qui a tué Phil et bien évidemment qu’elle n’est pas comme lui, bien évidemment qu’elle ne joue pas comme il le faisait, qu’elle n’est pas encore habituée à l’équipe. Ils n’ont rien fait pour l’aider à se faire une place et Marcus est le principal coupable. Non, elle n’a pas le niveau qu’avait Phil. Mais elle ne l’aura jamais si tout ce qu’il sait faire, c’est lui aboyer dessus au lieu de l’aider.

Elle aime ce sport autant que lui, c’est évident, s’il en doutait encore, il vient d’en avoir la preuve. Et rien que pour cela, elle mérite plus de respect et de considération. Il l’a mise dans cet état, parce qu’encore une fois, il peine à gérer ses émotions et s’en prend aux mauvaises personnes.

“J’arrive,” dit-il avant de s’éloigner du lit pour aller chercher dans l’armoire de quoi apaiser la douleur et surtout, s’assurer qu’elle ne tombera pas malade. Heureusement, Meredith a refait les stocks il y a peu et Marcus ne tarde pas à trouver les deux fioles de potion qui l’intéressent. Il retourne alors auprès d’Haniah et doucement, l’aide à se redresser.

“Tiens, bois ça, tu te sentiras mieux,” dit-il avant de porter la première fiole à ses lèvres. Il l’aide à boire, puis fait de même avec la seconde avant de l’allonger à nouveau sur le lit, lentement.

Un pli soucieux barrant toujours son front, il l’observe un moment sans rien dire, puis en voyant qu’elle semble un peu reprendre ses esprits et trembler un peu moins, Marcus se décide enfin à dire quelque chose : “Tu seras jamais Phil,” commence-t-il d’une voix rauque. “Mais c’est pas c’qu’on te demande.”

Marcus soupire. “J’ai été injuste. Tu as fait de ton mieux. Depuis le début, tu fais de ton mieux et j’aurais pas dû m’en prendre à toi.”

Il n’est plus censé être le type toujours en colère qu’Owen devait recadrer. Il est capitaine de l’équipe à présent, et ses problèmes ne sont pas censés avoir d’impact sur l’équipe. Ses propres sentiments ne sont pas censés interférer.

“T’as été sélectionnée, c’est que t’as ta place ici. On a perdu, ça arrive. Le quidditch est un sport d’équipe, défaite et victoire ne reposent pas que sur une seule personne.” Une leçon qu’Owen a mis longtemps à lui faire rentrer dans le crâne, mais il n’est pas prêt de l’oublier. “T’as pas été assez rapide, j’aurais pu mettre plus de buts, Jules aurait pu en arrêter plus,” il hausse les épaules, “c’est le jeu.”

Facile à dire maintenant qu’il s’est calmé, mais ce n’est pas moins vrai.