rec (sisyphe)

"Début de la déposition, Nils jette un coup d'oeil à sa montre à gousset, vingt-trois heures trente-six, le quatorze août 2007." Il la range, tend le menton vers la plume à papotes au-dessus de son épaule, pour vérifier qu'elle avait bien pris en note la date.
C'était la première fois qu'il en utilisait une. Il se méfiait de ce genre d'accessoires, mais il fallait bien admettre qu'il en avait besoin, quand il se rendait sur le terrain, afin d'avoir les mains libres. L'écriture de la plume est quasiment aussi illisible que la sienne (sûrement une histoire de synchronisation magique), mais ça ferait l'affaire.

"De la disparition de Laureen Doherty depuis maintenant trois semaines... Interroger son entourage n'a mené à rien. Aucun antécédant pouvant aboutir à une fugue non plus. Il semblerait que miss Doherty ait simplement disparu de la surface, à son retour du travail. A mon avis, il s'agirait d'une- Martin !" La plume sursaute et fait un pâté dans le carnet de Nils qui se rattrape de justesse, après avoir bousculé l'importun devant lui qui s'était arrêté sans crier gare.
"Tu pourrais faire attention où tu mets les pieds, j'ai failli me-" - On y est. - Quoi ? Déjà ? Ça ne ressemble pas à la description que nous a donnée la buraliste... - Si tu veux mon avis, Fitzroy, elle a pas dû mettre les pieds ici depuis un bon moment, ta buraliste..." En effet, le duo de choc faisaient face à une maison abandonnée depuis des lustres, à moitié écroulée et complètement insalubre, hissée sur ses fondations branlantes au milieu de nulle part. C'était un miracle qu'ils ne se soient pas perdus, bien que Nils soit persuadé qu'ils n'avaient pas exactement suivi la feuille de route...

Le jeune homme se râcle la gorge, constatant avec dépit que la plume à papotes avait pris note de leur précédent échange, rendant le compte rendu encore un peu plus brouillon. "Peu importe, allons-y," conclue-t-il, peu assuré, raffermissant la prise autour de sa canne contenant sa baguette. "Lum- - On ne lumos rien du tout, sombre idiot... Je te rappelle qu'on a vraisemblablement à faire à un criminel, peut-être même à une créature, au vu de sa propension à survivre dans un lieu aussi hostile... Alors crois-moi, tu vas avoir besoin de ta baguette pour autre chose qu'un vulgaire lumos !"
Nils lève les yeux au ciel, se demandant comment et pourquoi il avait fini en binôme avec cet incapable. Il avait fait la connaissance de Martin au détour d'un verre après le boulot, et le pauvre bougre semblait tellement désœuvré qu'il avait persuadé Nils que lui aussi, les histoires glauques, les disparitions et les fantômes, c'était sa passion ; tout ça pour qu'il l'engage dans ses explorations douteuses, même s'il le payait une misère... Bah, Nils avait besoin de quelqu'un pour faire léviter la boule de cristal qui enregistrerait tous les phénomènes bizarres qu'ils allaient rencontrer...

Nils sort de la poche intérieure de sa veste un briquet sorcier dont il règle la flamme sur l'intensité la plus discrète. Une petite flamme bleue illumine à peine son visage d'une lumière tamisée. Il fixe le briquet sur le ridicule couvre-chef dont Martin était coiffé. D'un discret alohomora, Nils ouvre ensuite la porte à moitié hors de ses gonds, et les deux hommes font leurs premiers pas dans ce qui avait dû autrefois être une cuisine. Impossible de dire si les lieux ont été abandonnés depuis longtemps ou pas, mais ce qui est sûr, c'est que l'air est chargé. Nils réfrène une quinte de toux, la main couvrant le bas de son visage. "C'est quoi cette odeur ?? gémit Martin. - A vue de nez, je dirais qu'on a à faire à un corps en phase de décomposition relativement avancée... ou alors à un rôti périmé depuis belle lurette..." Et, effectivement, les placards et la poubelle semblent avoir été laissés dans leur jus, comme si les occupants avaient quitté les lieux subitement ; sauf si lesdits propriétaires faisaient désormais partie du jus lui-même...

"Martin, tu avais trouvé quoi, sur les précédents occupants ? - Euh, c'était un vieux couple de moldus... Mais l'info remontait à deux ans déjà, donc je sais pas s'ils étaient encore là, récemment... - Hm, rien de bien surprenant, à en juger par la déco passée de date..." Dissimulant son inquiétude sous une couche de sarcasme, Nils continue d'avancer prudemment, faisant le tour de la table à manger pour atteindre le prochain couloir.
Au pied de l'escalier menant à l'étage, Nils continue de marmonner des notes à sa plume, tandis que Martin tente quelques pas peu assurés dans le salon, à la recherche d'indices. Soudain, un grincement fait sursauter Nils. Il voit la flamme bleue vaciller et se précipite dans le séjour. Il s'arrête subitement sur le pas de la porte, le souffle court. Au milieu de la pièce, Martin l'observe, surpris. "Martin... Ne te retourne surtout pas..." ordonne Nils qui, le cœur battant jusque dans ses oreilles, semble distinguer une silhouette dans le dos de son comparse...

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Twd ; imagés crasses

@Nils Fitzroy

Trois semaines plus tôt.

Blondie s'éveilla péniblement, la joue collée au carrelage crasseux d’une pièce humide. Plongée dans l’obscurité la plus totale, l'humaine ne distinguait absolument rien autour d’elle. Ne captait que l’odeur tenace de moisissures. Tremblante, elle se releva. Posa ses mains contre les parois de la pièce qu’elle tâta, à la recherche d’une poignée de porte, ou d’une hypothétique sortie. Rien. Seul un antique escalier permettait de regagner l’étage, mais de celui-ci, il ne restait que quelques morceaux pendants. Quelqu’un l’avait destroy volontairement. « .. A l’aide, s’il vous plait ! » Hasarda t-elle. Elle n’obtint aucune réponse.

La prisonnière réitéra ses appels, jusqu’à ce que, enfin, du mouvement se fasse entendre. Des bruits de pas sur le plancher, au-dessus de sa tête. « Au secours, sortez moi de là, je vous en prie ! » Glapit-elle. Une voix doucereuse s’éleva alors dans les ténèbres, sardonique ; « A la chasse nous irons, à la chasse nous irons ~ Un cochon nous attraperons, la gigue nous danserons ~ Et puis nous le mangerons ♪ * » La tchoin se mit à geindre, exposant à son ravisseur nyctalope un visage déformé par des simagrées. Lamentable. Le vampire s'accroupit, lorgna quelques minutes celle qui le distrairait quelques temps. Jusqu'à ce qu'elle calanche de faim, ou que, las, il décide de lui ôter la vie. Car telles étaient les pratiques du strigoï.

*

14 aout 2007

De la cave remontaient désormais des odeurs acres, particulièrement incommodantes pour le vampire. Ça sentait la merde et la pisse. La gerbe aussi. Comyn lorgna en contrebas. Au milieu des fluides corporels, se trouvait l'ex lady pimpante désormais toute éteinte. Toute dégueulasse. Totale déchéance pour Miss prout prout. D'un sac en papier, Sis' extirpa un burger qu'il laissa tomber en contrebas, dans les étrons épars - La blonde ne réagit pas. Nocturne esquissa une vague grimace - son jouet semblait cassé.

Des raclements anormaux s'élevèrent dans le silence commun de la batisse. Le vampire tendit l'oreille, capta la vie. Éprouva la magie. Qui donc osait s'aventurer en l'endroit ? Il remonta à l'étage. Se faufila dans les couloirs de la masure abandonnée. A l’odorat, il décela les deux intrus. L’un assurément plus négligé que l’autre ; Tandis que le premier exhalait des notes florales de lessive, le deuxième, quant à lui, sentait l’acide butyrique. Attentif, Sis’ écouta leur échange verbal ; ils étaient sur leur garde. Cependant, cela ne l’empêcha pas de les approcher.

Il allait coincer l'un des mignons, lorsque l'acolyte de ce dernier, avec effroi, remarqua sa présence. « Vous tombez à pic, j’allais commencer à m’ennuyer. » Dit-il, dangereusement calme. Aussitôt, un craquement retentit et la flammèche bleue qui siégeait sur le couvre-chef dudit Martin se transforma en un énorme jet de feu mouvant. Attaque portée contre le lanceur d'alerte - Les flammes, dirigées vers le sorcier, léchèrent les murs, carbonisant sur leur passage d’antiques photos de famille. Entre temps, Comyn s’occupa du coco esseulé, lui prodigua la morsure fatale, se gavant de son cruor comme un goret se gave de patates cuites. Sans le finir, il abandonna la carcasse du gamin agonisant au milieu de la pièce et retourna dans l’ombre. Appat pour l’autre. Piège de saligaud. Que le survivant tente de sauver son pote à la carotide déchiquetée et Sis’ lui tomberait dessus.

* Comptine A hunting we will go, modifiée.

Une voix mutine s'élève de derrière Martin. Nils n'a même pas le temps d'identifier la nature de l'opposant qu'une gerbe de flamme provenant de son propre briquet fiché sur la tête de Martin est crachée dans sa direction. Sa canne fouette l'air brûlant alors qu'il articule un "Aguamenti!" juste à temps pour que les flammes lui lèchent seulement le bras gauche. Le reste de la pièce autour de lui n'a pas joui de la même protection, et les meubles crépitent sous les flammes, une odeur de bois et de peinture brûlés tapissant le fond de ses narines et de sa gorge.

Nils va pour riposter, mais la vision qui suit le cloue sur place.
Un vampire.
De toutes les créatures humanoïdes peuplant et salissant le monde sorcier, il avait fallu qu'ils tombent sur un vampire. Et pas le genre docile, qui suçote tranquillement sa poche de sang à la Values Brigade. Non, un vampire solitaire.
A la Brigade, Nils avait eu l'occasion de s'entretenir un peu avec Sienna Graymalkin, Sire de son clan et sûrement l'une des plus puissantes de sa nature. Elle l'avait introduit à l'importance des clans vampiriques, au même titre que les meutes de leurs frères ennemis, les loups-garous. De fait, elle avait expliqué qu'un vampire solitaire est toujours beaucoup plus dangereux et instable, puisqu'il ne répondait à aucun code social, et que parfois même, il s'agissait d'un vampire qui avait été chassé de sa tribu, puisqu'inapte à cohabiter avec les autres.
Alors, si cet animal-ci n'était même pas foutu de sympathiser avec les siens, Nils donnait peu cher de son désir de collaborer avec lui, un sorcier tout ce qu'il y a de plus convenable.

Peut-être que Nils tente de se rappeler la théorie qu'on lui avait inculqué, pour supporter la vision du vampire surplombant Martin, son visage plongé dans la nuque du pauvre bougre. Les gargouillis sanglants sont insupportables, et Nils a l'impression que son sang quitte son corps, comme si le vampire était en train de l'aspirer, lui.
Il voudrait compter, n'importe quoi, récupérer une contenance, mais il doit agir vite. Il se dit qu'il a déjà vu ça, puisqu'il bosse avec des vampires. Il se dit que c'est impressionnant, mais que la finalité n'est pas différente qu'un sortilège Impardonnable.
Alors il va pour siffler un expelliarmus, lorsque le vampire se détache enfin de Martin et, au lieu de se jeter sur lui, disparaît dans la pénombre de la pièce, illuminée çà et là par les flammes.

"Martin?" que bafouille Nils, sans se résoudre à ficher son regard sur le cadavre tout frais de son assistant. Il fait un pas dans sa direction, ses yeux balayant les environs. "C'est bien ma veine, tiens..." crache-t-il, tapissant son effroi d'une couche de sarcasme.
Le vampire n'avait pas totalement vu juste, et avait surestimé la propension de Nils à se soucier d'autrui. Pour le sorcier, Martin était déjà une cause perdue, et la pauvre miss Doherty croupissant dans la cave n'allait pas tarder à le rejoindre dans sa liste d'échecs. Tout ce qui lui importait, à cet instant, c'était de se tirer d'ici.
C'est là qu'il réalise que la boule de cristal avec laquelle Martin enregistrait les lieux a roulé aux côtés du cadavre. "Ugh, ok, j'ai compris..."
Il se précipite en direction du cadavre, glapissant un "Homenum Revelio!" afin de repérer la cache du vampire (si seulement le sortilège marchait sur les vampires, who knows). Il empoigne la boule de cristal, et va pour se relever lorsque la main de Martin, poisseuse de sang, s'agrippe à sa manche, sa gorge déchiquetée hoquetant certainement un appel à l'aide qui fige Nils sur place.

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@Nils Fitzroy

Il n’esquissa aucun geste, resta sagement à sa place, attendant que le second mage revienne dans son champ de vision. Ce qui ne tarda point - « Imobilis ! » Le sort prononcé figea le sorcier dans la position adoptée. C'est alors que le nocturne s’approcha et s’abaissa au niveau de l’humain 'encore' intègre. Son visage blafard à proximité du sien, il l’étudia un instant. Dans ses prunelles vitreuses, dansaient les reflets jaunes-orangés du brasier qui s'intensifiait. Pourtant, cela ne semblait pas le déranger outre mesure. « Vois-tu, tu as de la chance dans ton malheur ; je vais être magnanime à ton égard et te laisser le choix entre deux possibilités. »

Ses billes se posèrent sur la boule de cristal. Il s’en empara. Lorgna son contenu - Y vit l’approche maladroite des détectives en herbe - D’un geste désinvolte, il s’en débarrassa. La sphère s’en alla rouler dans les tréfonds de l’habitation. Un bruit sourd signifia qu’elle tomba plus bas encore, à un niveau inférieur au rez-de-chaussée. « Soit je te garde captif pendant une durée indéterminée - N’aie crainte : comme tes prédécesseurs, tu seras bien traité. » Il se pencha vers lui, viola la distance sécuritaire. Récupéra sa baguette, en même temps qu’il renifla l’odeur de sa carne, au creux de son cou. Là, sous l’épiderme, l’ambroisie saturée de magie pulsait à un rythme effréné. Nosferatu expira, fébrile de ne pas mordre immédiatement la couenne et son souffle aux relents ferreux alla s'écraser contre la joue de l’autre. « Soit je te vide de ton sang. »

Il se releva. Balança la baguette adverse par-dessus son épaule, tout en toisant le gamin de toute sa hauteur. « Sache cependant que ça pique un peu au début. Ce n’est pas ton petit camarade qui dira le contraire, hm ?! » Ironisa t-il, en interrogeant Martin du regard. Or Martin, entre-temps, avait passé l’arme à gauche. Ce qui donna à la scène un aspect encore plus glauque.

Comyn reporta son attention sur le statufié ; « Tu veux un aperçu ? » Question rhétorique. Après avoir dissipé le sortilège d’immobilisation, il enchaîna ; « Morsmordre. » Une fois, deux fois, trois fois. Pire qu'un chat chahutant la souris, avant de lui broyer la tête.

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