Le criminel est le premier à râler que Mike a trop de cœur, mais difficile de prétendre que son choix est uniquement pratique, économique même, motivé par les intérêts du gang dont il partage les rênes avec deux des personnes les plus importantes de sa vie. Pas quand l’esquisse de sourire du Buchanan est si bêtement sincère, malgré sa fugacité contenue, et qu’il lui semble faire la bonne chose. Le sien, de cœur, un peu trop au bon endroit. « Okay. Merci. »
Ce remerciement est aussi un peu trop sincère pour qu’il s’en moque, ou l’accole à ses précédentes images de genoux brisés par Bao Wang et autres joyeusetés inspirées et inspirantes.
« Merci. Je ne te décevrai pas. Je ne vous décevrai pas. » Comment dire ? Il attend de le voir pour le croire et que le Buchanan ne doute pas que le Lynch va le surveiller très personnellement, si besoin est, ou si son meilleur ami se fait un peu trop laxiste avec lui. Il ne se lève pas moins de son siège, pour la première fois depuis l’arrivée du sorcier, et serre fermement la main tendue. L’entente se scelle dans le geste et il note, dans un coin de sa tête, de le convoquer une prochaine fois afin de renouveler le Serment inviolable qui assure la discrétion relative des affaires des Travellers. « Et, vraiment. Appelle-moi Buck. James, c'est mon père et j'crois bien qu'il se retourne dans sa tombe à chaque fois qu'on m'appelle comme lui... » Ce n’est pas la première fois qu’il entend cette demande ― call me Buck, depuis Hogwarts, sans que l’Irlandais ait une seule fois respecté la chose (à peine en privé, loin des oreilles de l’homme, comme par souci de ne pas accéder à sa demande)(il est peut-être un peu peau de vache quand il le veut, le Darragh, mais c’est un autre sujet de conversation). Ça n’a jamais été demandé avec autant de sérieux, autant de décision, et malgré l’alcool et l’état général du Buchanan, il ne se souvient plus de la dernière fois qu’il l’a vu le regard si clair. Si… Son propre sourire revient, assorti d’un brin de cette malice qui lui donne volontiers quelques années en moins. « Ton vieux da’ devra tourner encore un peu », et s’il le dit avec un certain humour, celui-ci est définitivement moins mordant que ce qu’il pourrait être. Plus chaleureux que tout ce qu’il a pu offrir à l’homme depuis qu’il a mis les pieds dans la caravane, dont les craquements mécontents se sont apaisés au fur et à mesure de la conversation.
Et peut-être, peut-être, qu’il fera un effort, comme il le sous-entend dans ce “encore un peu” qui suppose que ça pourrait un jour se terminer.
Ses bras se croisent sur son torse. En guise d’au revoir, l’Irlandais ajoute : « J’irai voir Sening demain. Histoire de ne pas tarder avec cette affaire de dette à rembourser à sa place, de mettre ses compères au courant du marché conclu et de se préparer à affronter le regard calme de la Wang. Histoire aussi de le rassurer qu’il tiendra bien sa part du marché, bien que Darragh ne soit pas connu pour rompre ses promesses. N'oublie pas : n'ajoute pas une Noise de plus sur ta dette, Buchanan. » L’avertissement s’accompagne d’un léger signe de la main, vers la porte de la caravane, afin de l’inviter à décamper ― et peut-être, peut-être, qu’il fait déjà un effort, mais nous n’en dirons rien.