tw : child abuse, verbal/physical abuse, bullying, anger issues, harsh language.
janvier 1998 (tw child/physical abuse) Devant elle, la porte se dresse comme une ombre menaçante. Charlotte serre les dents puis déglutit, tentant d'ignorer le nœud qui se forme dans son ventre, tord son estomac dans tous les sens et lui donne la nausée. Elle aimerait partir en courant, aller se cacher sous les draps miteux qui recouvrent son lit aux pieds bancals (mais ça ne ferait qu'aggraver son cas). Alors, elle frappe - puis entre, sans un mot.

L'odeur âcre de la cigarette la prend à la gorge, comme à chaque fois - mais elle ne tousse pas. Ne tousse plus.
(Elle s'y est habituée).

Madame Murphy a toujours eu la mauvaise habitude de fumer dans son bureau, faisant fi des interdictions. Résultat : l'odeur était omniprésente dans la pièce, nuage de nicotine flottant à la trachée de ses interlocuteurs. "It happened again ?" Silence. La directrice de l'orphelinat prend une nouvelle bouffée - la recrache aussitôt dans un sifflement reptilien qui arrache un frissonnement à la gamine, lâchée dans l'arène aux lions. Elle parle de l'ampoule qui a explosé aujourd'hui, au-dessus de sa tête : mais elle n'y est pour rien, Charlotte ! Elle se tue à le dire depuis des heures ! Personne ne la croit jamais. "Y'know, we're working our asses off for you kids to have the best, right Freckles ?" Nouveau silence. La gamine observe le bout de ses chaussures usées en se disant, dans un élan désespéré, qu'elle évitera peut-être la punition si elle évite de croiser le regard de la directrice.

Erreur fatale.

Madame Murphy claque sa langue contre son palais, les yeux lançant soudainement des éclairs. "Look at me when I'm talking to you. Don't make me repeat myself." Aussitôt dit, aussitôt fait - Charlotte relève brutalement la tête et plante son regard dans celui de la directrice. Ses doigts tripotent le bas de son tee-shirt rose trop grand - signe de sa nervosité bien plus qu'apparente. "Yes miss." La voix de la gamine, toute frêle du haut de ses neuf ans, tremble.
En face d'elle, la femme se penche dans sa direction, la cigarette déjà quasi totalement consumée trônant entre ses doigts comme un des bijoux les plus précieux.  "Your ears are more than big enough for you to hear me, am I wrong ? Or are those awful freckles taking over your braincells ?" Les mots méchants et cruels frappent l'enfant en plein cœur alors qu'elle tente déjà le plus possible de ne pas craquer (mais c'est de trop). Les larmes muettes commencent déjà à se bousculer au balcon de ses yeux. Madame Murphy soupire, lui tend une main d'un geste ample et doucereux. "Come here." fait-elle, le ton mielleux. Charlotte s'exécute sans un bruit, les prunelles brillantes. Madame Murphy la suit du regard, sans un mot. Sa main glisse lentement vers celle de l'enfant, la presse doucement, la caresse.

Puis la cigarette s'y écrase brutalement - un pshiiit siffle dans l'air.

Charlotte pousse un son étouffé - tente de se défaire de cette emprise, cette douleur qu'elle ne connaît déjà que trop (ce ne serait qu'une cicatrice de plus à sa peau déjà couverte de tâches brunes). La directrice ne la laisse pas s'échapper - laisse la cigarette fumer contre sa peau. "Don't cry. Look at me. Look at me in the eye - Look at me ! Stop crying. I said, stop !" Les larmes cessent, difficilement - mais la douleur perdure.
Les sanglots se coincent dans sa gorge, elle ne s'y fera jamais, à cette sensation de brûlure atroce qui lui donne envie de s'enterrer sous terre. "Good. Now, go clean up your mess." La directrice relâche nonchalamment la gamine, comme si de rien n'était, lance le mégot à la poubelle tandis que l'enfant fuit vers la porte, avalant du bout de sa langue la dernière larme qui vient d'achever sa course jusqu'au coin de ses lèvres.
C'est salé.

mai 1999 (tw child/physical abuse) Il fait froid. Le sol est humide. Et il lui semble entendre des souris, dans la pénombre. So that's what dungeons look like, hun ont été ses pensées quand on l'y a jetée pour la première fois, après un éclat de colère. Maintenant, mes cachots de l'école sont un peu devenus une habitude. Un retour à la case départ constant, à chaque nouvelle explosion de colère, chaque rébellion de sa part ; les punitions aussi, les maléfices. Il faut dire que Lottie, elle est dure à gérer - tous les professeurs leur disent. C'est un démon, une tornade - l'élève que personne n'arrive à brider, imprévisible et explosive : une bombe à retournement que l'on n'arrive à faire taire que par la violence, car c'est le seul langage qu'elle a fini par assimiler après des années à encaisser.
La bienveillance, elle la comprend pas. Les warnings non plus - il n'y a que la douleur qui la dompte, l'animal sauvage qui fonce et sort les crocs dès qu'il voit rouge.
On lui a dit, pourtant, qu'il serait mieux pour elle de bien se comporter - d'être docile, de baisser la tête, d'encaisser. Les autres enfants lui ont dit, aussi (les plus âges, les plus jeunes - tout le monde). Un frisson lui parcourt l'échine alors qu'elle se recroqueville, le dos voûté sous les ténèbres qui l'écrasent - la douleur qui lui retourne l'estomac. On l'avait prévenue, aussi, que la directrice ne rigolait pas avec les éclats - qu'elle risquerait bien assez vite de passer sous sa baguette, sous ses maléfices. Mais c'est plus fort qu'elle, Lottie. Elle a tellement de colère, elle a l'impression qu'elle pourrait exploser. Tout est injuste, tout est horrible - elle arrive pas à se dire qu'elle a quitté un cauchemar pour en rejoindre un autre.
Ici, on lui fait apprendre des choses étranges. On lui fait rentrer dans le crâne qu'elle est une erreur, qu'elle ne doit pas utiliser la magie - et pourtant, les professeurs l'utilisent. On l'utilise pour lui faire du mal, pour la punir - alors, elle se dit que de toute façon, elle ne veut pas avoir affaire à la magie. Parce qu'elle ne veut pas faire mal aux autres (même si la voix mauvaise dans un coin de son esprit lui hurle de le faire, de se venger, de tout ravager sur son passage).

Y a des bruits de pas qui se mettent à résonner - la gamine se relève d'un bond, les doigts tirant sur son tee-shirt couvert de poussière et de suie (c'est qu'elle s'est roulée de douleur, sous les maléfices et les punitions de la directrice). L'oeil bleu défie l'adulte alors qu'il vient la chercher, signe qu'il est temps pour elle de rejoindre les autres. "You never learn, uh ?"  Elle fronce les sourcils et le fusille du regards, le dos rond et les griffes sorties. Si elle avait été capable de comprendre autre chose que la colère et les émotions négatives, la gamine aurait sûrement pu discerner la pointe de regret ou de pitié dans la voix de l'adulte

septembre 2000 (tw harsh language, bullying) L'atmosphère est lourde, dans la cour de récréation. Y a un petit cercle qui se forme - les mômes ici sentent la tension qui monte comme des chiens de chasse. Ils fonctionnent à l'instinct, parce que c'est tout ce qui peut assurer leur survie - certains se terrent, d'autre explosent. Lottie, elle, appartient sans surprise à la seconde catégorie. Elle serre le poing et, du haut de ses douze ans, donne l'impression qu'elle est sur le poing de déchirer la gorge de l'adolescent en face d'elle.
Plus un bruit, juste des respirations qui donnent l'impression d'être en pause - tout le monde retient son souffle, les yeux passent de la rousse au gamin en face, plus grand qu'elle, et sûrement plus fort aussi. Mais ça l'arrête pas, Lottie - quand elle voit rouge, elle perd toutes ses capacités de discernement qui sont déjà pas très développées. Tout devient flou, et toutes les silhouettes ne deviennent rien d'autre que les cibles de sa rage.
"Oy gobshite ! The fuck you just said to her ?" qu'elle gronde, la mioche, les poings abîmés serrés prêts à cogner dans la mâchoire. Derrière elle, y a Ocean. Ocean qui n'est pas comme eux selon les dires des professeurs. Ocean qui ne dit rien. Ocean qui reste silencieuse. Parce qu'Ocean est sûrement plus intelligente que Lottie - elle essaye de rester en dehors des problèmes. Mais pas Lottie. Au contraire, on dirait qu'elle les cherche - et encore plus quand on s'en prend à une de ses seules amies, ici. Le gamin répète l'insulte, et elle perd pied dans sa colère, l'orpheline. "I'll fucking kill you." Tout devient rouge en un instant, et elle entend plus rien - seulement le sang qui bat à ses tempes. Pas un cri que les enfants poussent autour de parvient à ses oreilles, ni même les appels d'Ocean - ni la voix des surveillants qui viennent les séparer et la menacent de l'envoyer au cachot, encore.

décembre 2002 Dans le noir, l'oeil cherche la silhouette d'Ocean endormie à côté d'elle. La rousse serre un peu plus la main de son amie dans la sienne, la recouvre sans un bruit de la couverture qui a glissé dans leur sommeil,  pour ne pas la réveiller. Sa respiration paisible lui rappelle qu'elles sont toujours coincées là, elles.
L'ambiance est tendue, à l'école - parce qu'il y a eu un groupe d'élèves qui se sont enfuis. Dont Noah. Noah, qui lui a proposé de venir avec eux - Noah, à qui elle essaye d'en vouloir pour l'avoir laissée ici, mais ça a été son choix de rester alors est-ce qu'elle peut lui en vouloir d'avoir saisi sa chance ? Elle a pas eu la force de laisser Ocean derrière, Lottie, parce que who's gonna look after her ? - du moins, c'est ce qu'elle a dit. Mais c'était qu'une excuse.
Elle aurait pu facilement convaincre Ocean de partir avec elle, si elle lui en avait parlé, si elle avait eu un peu plus de temps - mais tout s'est fait si vite. Et puis, Ocean est loin d'être une incapable, elle sait très bien s'occuper d'elle-même - c'est pas forcément le cas de Lottie qui, dans le fond, se dit qu'elle dépend bien plus de son amie que l'inverse. La vérité, c'est que le monde extérieur la terrifie, et qu'ici, au moins, elle a l'impression d'avoir tout sous contrôle - même quand elle se retrouve aux cachots et se tord de douleur sous les crucio et autres punitions. Ici, elle connaît les moindre recoins de l'école.
Dehors, tout lui est inconnu - et ça l'angoisse.

juin 2006 (tw verbal/physical abuse, bullying) Autant être honnête : à partir du moment où elle a quitté la Damocles, elle a galéré. A joindre les deux bouts, à manger, à trouver un travail, à évoluer dans la société sorcière sans exploser au moindre truc. C'était pas rare de la voir traîner pas loin du Filet du Diable, parce qu'elle savait que sur un malentendu elle pourrait croiser River et lui demander, en mettant de côté sa fichue fierté, s'il aurait pas quelque chose qu'elle pourrait se mettre sous la dent ou deux-trois gallions en rab (en ignorant sa saleté de chat qui lui fêlait dessus une fois sur deux, à croire que même les animaux la voyaient comme une nuisance). Elle a jamais réellement laissé le choix à la vélane de la supporter ou non : elle s'est juste imposée, avec ses tâches de rousseur et ses éclats, en faisant en échange whatever he asked her to do.

La serpillère est devenue la baguette magique personnelle de Lottie, en quelque sorte. Toute la journée, sous l'oeil des sang-purs et employés du Ministère, elle arpente les couloirs, le hall, et nettoie tout dans les moindres détails - serre les dents quand quelque supérieur renverse malencontreusement sa boisson brûlante sur le bout de ses chaussures, renverse son seau d'eau sale par mégarde, ou simplement s'insurge de voir une ignominie comme elle oser se montrer à la vue de tous, dans un établissement aussi important.
C'est ce qu'on leur a appris, à la Damocles. Pas de magie pour eux, surtout pas ! Il leur fallait se rendre utile à la société sorcière, sans pour autant qu'ils aient à utiliser leur magie : alors, les emplois dits "ingrats" ont été ceux auxquels ils ont été formés. Lottie n'est pas particulièrement intelligente, ni débrouillarde - il faut dire qu'elle ne s'est jamais intéressée au cours, ni à avoir de bonne note. Alors, on lui a fait rentrer dans le crâne que les métiers se focalisant sur le nettoyage étaient sa destinée ; elle n'a pas cherché plus loin, la gamine.

C'est pas comme si elle avait de grandes aspirations non plus.

janvier 2007 (tw verbal/physical abuse, bullying, harsh language, trauma/anger issues) "Miss Scully, you're under arrest for violating the 1997-008 decree, and for assault." L'annonce lui fait l'effet d'un coup de marteau. No, that can't be. Les regards se braquent sur elle, la gamine soudainement encerclée par trois sorciers des brigades magiques. Ses doigts se serrent autour du manche de la serpillère, comme si elle allait la sauver. "What do you mean ? They started it !" Elle pointe de son balais le sang-pur plus loin, alors qu'une infirmière s'occupe de son arcade sourcilière ensanglantée et de sécher ses vêtements trempés - à ses pieds trône l'arme du crime, un seau d'eau renversé et vide, dont un des bords tranchant perle de quelques gouttes de sang. "You should know better, miss." C'est vrai, Lottie. You should know that your voice doesn't matter. Elle serre les dents alors que l'injustice lui retourne l'estomac - c'est vrai, elle y est pour rien elle.
C'est le sang-pur qui a commencé, depuis des semaines, à la provoquer, à la bousculer, à l'insulter, à lui rire au nez ou à rendre son travail plus difficile. Ca a été plus fort qu'elle. Elle y est pour rien. C'est toujours la magie qui gâche tout - c'est elle qui a fait voler le seau, qui lui a tout renversé dessus. Not me. Magic. Elle a toujours fait une dissociation entre les deux, Lottie - parce qu'elle n'est pas une sorcière. She's just a kid who happened to have some magic in her veins - but that's not hers to claim. "Would you follow us ?" Ils s'approchent, et elle panique. L'angoisse qui s'insuffle dans ses veines à la vue des baguettes pointées dans sa direction, menaçante, réveillant de mauvais souvenirs

Une main qui l'attrape - elle agite le bras, brandit son balais devant elle, unique moyen de défense. "Back off." qu'elle feule, la môme. Les yeux lancent des éclairs, les mains tremblent autour du manche - mais elle est prête à hurler s'il le faut. Deux autres mains lui agrippent l'épaule. "Hey shithead don't touch me-" Mais elle a beau s'agiter, rien n'y fait - les larmes montent, la colère, la panique, tout. La terreur à l'idée d'être immobilisée - l'angoisse de ne pas savoir ce qu'il l'attend alors que des mains inconnues la traînent comme un malfrat. "GET YOUR HANDS OFF ME, FECKERS!" Les dents se plantent dans la première main venue, jusqu'à ce que le goût du sang lui parvienne. Puis le coup de coude dans le nez, qui la sonne - et l'incarcerem qui finit de l'immobiliser alors qu'elle se débat et hurle comme un démon. Les cris de désespoir résonne alors que tous retournent vaquer à leurs occupations - et certains sorciers murmureront que, décidement, those mudbloods bring nothing but trouble.

avril 2007 Quatre mois qu'elle est ici, et elle arrive pas à s'y faire. Enfin, est-ce qu'ils s'y feront un jour à leur statut de gibier ? Quand on l'a jetée à Gracefield après son arrestation, sa première réaction a été de se dire que c'était déjà mieux que de croupir à Azkaban - puis y a eu sa première Battue. Elle y a pas cru, quand on lui a dit qu'ici ils étaient que des lièvres, des cibles - elle s'est dit qu'on lui faisait une mauvaise blague. Puis elle a vu la mort en face - elle l'aurait sûrement rejointe, d'ailleurs, si Simon lui avait pas sauvé la vie.  
Lottie essaye de se forcer à garder la tête haute, malgré la peur qui lui broie les os. Parce qu'elle a encore beaucoup de choses qui l'attendent. Faut qu'elle retrouve Ocean, parce qu'elles se sont promis qu'elles se laisseraient jamais. Faut qu'elle se venge, aussi, qu'elle sorte d'ici pour pouvoir retrouver le sang-pur qui l'a faite enfermer ici - elle en a pas fini avec lui.  
C'est un beau bordel à Gracefield, elle le dit tous les jours. Ils s'organisent, comme ils peuvent - mais c'est loin d'être l'unanimité sur la façon de gérer leur survie. C'est pas joli, non plus. Elle est déjà passée entre les mains de mauvaises personnes, Lottie, qui ont essayé de lui voler ses quelques possessions - et elle a vu le désespoir droit dans leurs yeux, sans savoir si c'était le leur ou le sien qui se reflétait dans leur prunelle. Elle a pris cher, ouais - mais elle a réussi à garder Puis on lui a dit de pas se balader toute seule, parce qu'elle est une gamine et que c'est une cible facile. Elle donne son sang aux vampires, s'est glissée parmi les rangs des prisonniers sous l'aile de Faye. Elle partage les provisions qu'elle reçoit par les sponsors qui éprouve une sorte de sympathie étrange à son égard, parce qu'elle est jeune, parce qu'elle est frêle et a l'air sans défense - ça la fait ricaner.

On l'a jamais traitée comme une gamine - alors c'est un peu ironique qu'on la traite comme telle maintenant.