tw: mention de suicide

Parfois, Benjamin se prend à rêver de la vie qu’il aurait pu avoir si sa sœur n’avait pas choisi de partir. C’est sûrement complètement naïf, mais il peut passer des heures à s’imaginer que peut-être, dans une réalité alternative, un autre Benjamin a le privilège de cette vie-là. Une vie où, en apprenant que leur père préparait Benjamin à devenir un mangemort, Hyunsoo l’aurait aidé à s’échapper et à disparaître de la surface de la terre sorcière pour vivre loin d’ici une vie à la moldue. Tant pis pour ses parents, tant pis pour les Rosier, tant pis pour l’entreprise familiale. Si sa sœur lui avait écrit une lettre et lui avait proposé de sortir de là, Benjamin sait qu’il n’aurait pas hésité une seconde. Peut-être qu’ils seraient tous les deux en vie et heureux, dans une ville moldue grouillant de monde et bien plus progressiste que le Londres du Lord. Benjamin se demande souvent ce qu’il aurait fait : est-ce qu’il aurait essayé d’entrer à l'université moldue ? Est-ce qu’il aurait trouvé un petit boulot quelque part le temps de savoir ce qu’il avait envie de faire, une fois débarrassé des vocations construites par sa famille ? La vie aurait probablement été compliquée aussi, mais il n’a aucun doute qu’il n’aurait pas eu de mal à s’épanouir et à ne pas culpabiliser d’avoir laissé les autres derrière lui.

Il s’en veut, parfois, de penser ça.

“I’m not your enemy, Benjamin.” Maxine a laissé un petit silence, avant de dire ça. Il relève les yeux vers elle, après les avoir laissés fixés sur le sol pendant un moment. Le pire, c’est qu’il le sait, qu’elle n’est pas son ennemie. Il le sent au plus profond de lui. Ce n’est pas pour rien qu’il a laissé Seo-hyeon inviter Maxine à leur table alors qu’il aurait juste pu s’excuser et pousser directement Maxine loin de la maison des Kim. Ce n’est pas pour rien qu’il s’est baladé dans une ville moldue, habillé comme un moldu, à ses côtés, alors que n’importe quel mangemort digne de ce nom ne se serait jamais lancé dans ce type d’aventure. Cette balade à elle seule a démontré une ouverture d’esprit, des envies qu’il n’est pas censé avoir, étant donné sa position. Déjà à ce moment-là, c’était trop tard. Finalement, raconter toute l’histoire à l’ancienne Gryffondor était presque une étape naturelle, après ça. Sans jamais avoir peur, Benjamin a pris la main de Maxine et l’a entraîné avec lui jusqu’à ses pensées les plus intimes. “If you want to obliviate me, you can do it” finit-elle par ajouter. Benjamin l’observe de ses yeux brillants. What if I don’t want to? se dit-il. “but before you do, I'm sorry, Benjamin. I'm sorry you had to go through this pain. I think we've all done things that don't make us proud. So don’t be too harsh on yourself.” Il secoue légèrement la tête sur le côté. Comment pourrait-il être indulgent avec lui-même ? Après tout ce qu’il a fait ? Il se rappelle de chaque acte terrible - ils le réveillent encore la nuit, quand ils ne l’empêchent pas de dormir tout court.

Il détourne finalement la tête, incapable de soutenir un peu plus le regard de la brune. De sa manche, il frotte sa joue, tente de faire comme s’il chassait un insecte et pas une larme qui s’est fait la malle. Il est bon pour masquer ses émotions, mais ici, c’est difficile. Il est face à deux présences qui n’ont pas de mal à lire en lui - celle de Maxine, et celle de Hyunsoo. “I’m sorry I stayed.” dit Maxine, après un moment. “If you want, you can obliviate me and then I’ll leave the house for a hotel in Newcastle. I don’t mind.” C’est un excellent plan. C’est ce qu’il y a de mieux à faire.

Benjamin s’éclaircit la gorge et relève les yeux de nouveau, une fois certain d’avoir repris un peu contenance. Kate est restée posée au pied de la tombe de Hyunsoo, fière et bien plus sereine que lui. Il sent son regard, son soulagement aussi. Comme si, en partageant enfin son histoire avec Maxine, il avait enlevé un poids des épaules de sa chienne - et de ses épaules à lui, aussi. ”What if…” commence-t-il, avant de s’arrêter pour reprendre sa phrase autrement. ”Would it be ok, if I asked you to stay?” dit-il finalement. ”Would it be ok, if I didn’t erase this memory -- at least not right now?” Ce genre d’histoire n’est pas facile à porter, et il comprendrait que Maxine n’en veuille pas. C’est un secret qui serait lourd de conséquences, s’il venait à quitter cet endroit. C’est une responsabilité énorme que de lui laisser. ”It’s just… If I could be true about all this for a few more hours… I-- I’m just so tired.” dit-il d’une voix qui se brise un peu sur la fin.

Il sait très bien ce que penseraient tous ceux qu’il fréquente malgré lui.

Ce que penserait sa famille. Traître. Pathétique.

”Would it be okay?” redemande-t-il, anxieux.

Ça fait bizarre de voir Benjamin aussi abattu. Lui qui est toujours jovial et plein de vie lui paraît si vulnérable aujourd’hui. Elle ne dit rien lorsqu’il lève son regard brillant sur elle. Maxine se contente d’attendre qu’il prenne la parole et prenne la meilleure décision qui soit pour lui. ”What if…Would it be ok, if I asked you to stay?” La surprise peut se lire sur le visage de la jeune femme et elle reste interdite un instant. ”Would it be ok, if I didn’t erase this memory -- at least not right now? It’s just… If I could be true about all this for a few more hours… I-- I’m just so tired.” Benjamin n’a pas besoin de le dire, Maxine peut le voir. Maintenant qu’il a fait définitivement tomber le masque, elle le voit clairement. Elle tente un sourire compatissant et hoche doucement la tête avant que l’ancien Serpentard n’ouvre de nouveau la bouche. ”Would it be okay?” Maxine fait un pas en avant et s’accorde ce qu’elle ne fait que face aux autres - pour les apparences - : elle pose une main sur le bras de Benjamin. “It’s okay.” Puis elle se retire et fourre de nouveau sa main dans la poche de son manteau comme si ce contact pouvait la trahir de quelque chose. “You can let go and say whatever you want. Then you can decide to take away my memories when the time comes.” Après tout, elle propose à un mangemort de se livrer. Elle n’est pas certaine qu’il lui accorde toute sa confiance. Elle ne peut pas s’offusquer s’il décide de le faire plus tard, ils partagent un moment très personnel pour Benjamin. De plus, cette information n’est pas essentielle à l’Ordre alors ce n’est pas grave si elle oublie. “I’m a big girl, I can take it. Don’t worry.” Elle tente un sourire pour le détendre un peu.

Maxine prend une grande inspiration et pivote un peu sur ses talons pour faire face à la tombe. “And I wouldn’t be mad at you, I promise.” Dit-elle pour finir. “Allies.” Murmure-t-elle presque en s’en voulant d’un seul coup de baisser sa garde face à un mangemort. Même si elle laisse de côté un instant l’espionne, elle n’en reste pas moins une membre de l’Ordre. Même si elle s’accorde cette pause, elle ne doit pas oublier que dans le fond, Benjamin et elle ne sont pas des alliés. Il a une marque sur l’avant-bras. Elle a un tatouage de quatre cercles à son poignet. Maxine a appris à se protéger de beaucoup de choses, mais pas de son côté humain qui fait qu’elle ressent des émotions, qu’elle s’attache aux personnes qu’elle côtoie au quotidien. “Do you want to talk about her? What she liked, what you did when you went to see her?” L’encourage-t-elle à parler. Quitte à ce qu’il vide son sac, autant qu’il parle de choses positives, de souvenirs joyeux pour le sortir de cette torpeur et de l’aider à avancer.

Archie, pendant ce temps-là, s’est rapprochée de Kate pour cogner sa tête contre l’une de ses pattes avant. Les deux animaux liés ont appris à se connaître avec les années. Le renard est toujours très curieux face à la chienne qui fait le double de sa taille et probablement le triple de son poids. Là où Maxine est toujours sur la réserve, Archie, lui, fonce toujours face à Benjamin et Kate.