“ WAKE UP!! WAKE UP HARRY, WAKE UP!!! ” Harry grogne légèrement en ouvrant les yeux, les clignant douloureusement quand un peu de poussière s'y dépose. “ WAKE UP!!! ” crie Dudley en sautant sur les marches au-dessus de la chambre d'Harry pour la dernière fois, avant de courir jusqu'à la cuisine.

Harry soupire, se tournant sur le côté pour attraper ses lunettes rapiécées et les mettre sur son nez. Il entend Dudley ouvrir la porte du réfrigérateur dans la cuisine et y farfouiller pour s'emparer de son déjeuner et de celui d'Harry. Il attend que Dudley soit assis devant la télévision pour sortir du placard et, aussi discrètement que possible, il se faufile à l'étage pour prendre sa douche. Il fait bien attention à ne pas prendre trop longtemps (sinon Vernon lui frappe les oreilles d'avoir gaspillé de l'eau chaude) et retourne dans sa chambre pour finir d'enfiler ses vêtements pour l'école. La chemise est trop grande, il manque un bout à la cravate et sa veste est miteuse. Mais il y est habitué.

Il sort de sa chambre. Son oncle est déjà au travail, Petunia est en train de faire le petit-déjeuner. Harry n'a le droit qu'à un morceau de pain aujourd'hui.

Dans le bus, il laisse son front reposer contre la fenêtre et regarde les rues défiler. C'est le dernier jour de cours. Dans deux mois, il rentrera au collège. Se fera-t-il des amis là-bas? ... sûrement pas, même en l'absence de Dudley. Il n'est pas très bon pour se faire des amis, il est bizarre et maigre et pauvre et il est nul au football.

Pas grave. Dans huit ans il en aura fini. Et après? Après, il verra.

“ What, you didn't even read any of our new books?! Harry!! ” s'écria Hermione de sa petite voix perçante et il marmonna une excuse du bout des lèvres, incapable de lui dire qu'il avait été trop agité par la sensation d'abandon qu'il avait ressenti tout l'été sans nouvelle de ses amis, pour s'inquiéter des livres à lire pour la rentrée. “ Well it's good I made reading cards. — Hermione, no offense, but I'm pretty sure we're supposed to read the books during the year, as we go with classes...! — Oh don't be ridiculous, Harry! It's better to be prepared — and even then, why would they give us the books during the summer? There's nothing sadder than an unread book! ” Harry se mit à marmonner quelque chose d'autre, s'interrompant en voyant Hermione sortir ses fiches de lecture et les poser sur la table entre eux. Il aimait beaucoup faire ses révisions pendant les heures d'études avec Hermione, elle était toujours préparée et prête à l'aider, mais c'est vrai que des fois elle pouvait être... envahissante. Surtout en l'absence de Ron.

“ Wait Harry... would you mind smiling? — Uh, excuse me? — No I mean... ” Harry se mit à la regarder comme si il lui avait poussé une deuxième tête. “ Show me your teeth? ” Il arqua les sourcils mais, timidement, finit par s'exécuter en baissant la tête pour les cacher au plus possible. Il ne s'était jamais posé la question, mais c'est vrai qu'il avait quelques dents de travers dont il n'était pas très fier... “ Come on Harry don't be shy! ” Il releva un peu la tête et Hermione se pencha immédiatement pour observer ses dents de plus près. “ You brush them well, but you need to floss. — Floss? — Yes. You know? ” Hermione se mit à imiter quelque chose que Harry n'avait jamais vu de sa vie. Elle se mit à rire discrètement en voyant son air à la fois ahuri et alarmé. Était-elle en train de perdre l'esprit? Il n'avait jamais vu Hermione avec un tel sourire sur la bouche. “ Um... okay. Why are you so concerned with my teeth? — Both my parents are dentists. — Are they? — Yes of course! ” Harry arqua les sourcils, surtout face au rougissement d'Hermione qui fit voler sa main jusqu'à son visage pour cacher ses deux imposantes dents de devant. Il avait entendu, ici et là, parler des parents d'Hermione et même si il se souvenait vaguement de leurs silhouettes sur le quai du Poudlard Express, il était bien incapable de conjurer leurs visages dans sa mémoire. “ That's... cool. — Cool? — Yeah. No? — I mean I guess... Hogwarts is the only time where I get to eat sugary sweets... — Well lucky you. My uncle sells drill bits... ”

Ils finirent par rejoindre Ron dans la cour intérieure après qu'il ait fini de discuter avec ses frères de quelques affaires familiales. “ What are you guys talking about? — Teeth. — Teeth?! But why? — Did you know Hermione's parents were teeth doctors? —  Like teeth mediwiz-- medimuggles? ” Hermione et Harry se mirent à rire de bon coeur devant l'air confus de Ron, qui ne semblait pas comprendre l'intérêt d'un tel travail. Harry ignorait comment les sorciers gardaient leurs dents saines... à vrai dire, il ne comprenait pas grand-chose du monde sorcier.  Mais peu importe, il avait Ron pour tout lui apprendre... et Ron, aussi, pour s'indigner des choses les plus futiles du monde moldu: “  So they fix teeth??? — Yeah and sometimes... they pluck them out! — Gross! ”

“ Hey that was a foul!!! That was definitely a foul!!! GINNY!!! — It's not a foul, you just suck at this, Ronald! ” Harry ne put pas s'empêcher de rire en les regardant voler autour de lui. Il n'y avait pas assez de balais pour tout le monde, alors Harry était sur la touche et faisait d'office d'arbitre dans le match de Quidditch opposant Ginny et Fred à Ron et George. Les balais étaient de troisième mains, les buts avaient été fabriqués avec des anciennes roues de vélo attachées à des poteaux de bois, et le Souaffle avait vu des jours meilleurs. Mais c'était quand même parfait et même si son Nimbus 2000 manquait à Harry, il riait de tout son coeur en regardant les frères et soeur Weasley se disputer tout en jouant, faisant fi de la plupart des règles apprises à Poudlard et se contentant parfois de se jeter le Souaffle à la figure jusqu'à l'abandon de l'autre équipe.

Entre les matches de Quidditch improvisés, les sessions de dégnomage, les petits plats de Mrs Weasley et les longues discussions farfelues avec Mr Weasley, Harry était vraiment en train de passer le meilleur été de tous les temps. Il n'avait jamais pu tant manger et s'amuser et n'avoir peur de rien. Bien entendu, Mrs Weasley faisait un peu peur quand elle levait la voix lorsque les jumeaux faisaient des bêtises, et Mr Weasley pouvait avoir l'air impressionnant quand il fronçait les sourcils et qu'il devenait tout rouge lorsqu'il était agacé. Mais tous les soirs, lui et Ron jouaient aux échecs et discutaient et parlaient beaucoup pendant la plupart de la nuit, ils refaisaient le monde et les étoiles et Harry était heureux, tellement heureux, d'avoir trouvé quelqu'un comme lui dans le monde.

Harry ne s'était jamais considéré chanceux. Jamais. Il n'avait pas de parents, sa famille le détestait, il n'avait jamais eu d'amis à l'école à cause de Dudley. Il n'avait jamais mangé à sa faim et n'avait jamais porté des vêtements à sa taille.

Et pourtant, maintenant, il avait les amis les plus formidables du monde. Ron était patient avec lui, gentil et drôle. Hermione était brillante, bienveillante et géniale. Il y avait Dean, Seamus et même Neville, qui étaient tous ses amis. Il avait de l'argent, et des vêtements, et les buffets de Poudlard pour se nourrir. Il avait Hedwige, et Dumbledore, et McGonagall. Il avait trouvé sa place, enfin, mais pas dans le monde dans lequel il était né. Dans le monde de ses parents...

Tous les soirs au Terrier, Harry s'endormait avec un sourire sur les lèvres.

Harry se réveilla en étouffant un hurlement dans sa gorge; mais en même temps que le bruit essayait de sortir, sa gorge se referma et il se mit à s'étouffer en faisant voler ses mains à son cou. “ You alright mate? ” Ron était déjà à côté de lui et le força à se rallonger avec sa rudesse habituelle. “ Breathe in, breathe out. Through the nose, Harry. ” Harry trouvait ces conseils vraiment stupides mais finalement, forcé par les mains de Ron sur ses épaules et ses yeux bleus vissés sur lui, finit par lui obéir. Et lentement, sa poitrine se dégonfla et il parvint à respirer, et à se calmer. “ S-Sorry. — It's a'ight. ” Ron avait l'air inquiet. “ You were moaning in your sleep... I couldn't wake you up. ” Harry se redressa un peu, soulagé quand Ron le laissa se pencher pour attraper ses lunettes et les enfiler. “ Cedric, right? ” Harry se sentit rougir malgré lui, embarrassé, se souvenant de ce que Dudley lui avait rappelé tout l'été. Ron, ceci dit, ne semblait pas prêt du tout à se moquer. “ S-Sorry. — Don't apologise Harry. — I'm okay... ” Ron arqua les sourcils et Harry soupira légèrement. “ I mean, I'm just- I'm tired. It just tires me. — Do you want to go downstairs and play some chess? Keep your mind busy? ” Harry le regarda avec de grands yeux avant d'hocher la tête timidement.

Ils enfilèrent leurs robes de chambre et leurs chaussons avant de descendre dans la salle commune. C'était le milieu de la nuit et personne ne s'y trouvait; et pourtant, un feu chaleureux brûlait dans l'âtre et sembla gagner en intensité en les voyant arriver. Ron avait attrapé son set avant de descendre et le posa sur la table basse entre leurs deux fauteuils afin qu'ils puissent jouer. Il gagna trois fois d'affilée, et Harry manqua de gagner pendant leur quatrième partie... et perdit une fois de plus. Au final, ils discutèrent un peu, de tout et de rien, des cours qui venaientt de commencer, d'Umbridge et des cours d'Hagrid, et s'endormirent sur les fauteuils bien trop moelleux et confortables, les ronflements de Ron à en faire trembler les murs berçant Harry de manière familière...

“ Jesus, Ron, have some decency! ” La voix perçante d'Hermione de bon matin fit se réveiller Harry dans un sursaut affolé. Il la regarda, à travers ses paupières lourdes et douloureuses à cause du manque de sommeil, remettre l'un des pans de la robe de chambre de Ron sur ses jambes. “ You exhibitionist! — Come on Hermione, you've seen a pair of thighs before... — Maybe, but none ever so pasty! — Hey! Rude! ” s'exclama Ron en grognant quand elle lui frappa le genou avec le livre qu'elle était en train de porter. Harry remit en place ses lunettes, qui s'était tordues sur son nez pendant son sommeil. “ What are you doing up so early, Hermione? — I'm visiting the elves of course! You two should join. ” Ron se leva avec un grognement, rabattant les pans de sa robe de nuit autour de lui. “ Me and my pasty thighs are going back to bed. — Harry? — Uhhh... I think I got some sleep to catch up on too... ” Hermione leva les yeux au ciel, mais ne semblait pas lui en vouloir: elle lui tapota l'épaule quand il passa près d'elle pour remonter à leur dortoir. “ See you later in Defence Against the Dark Arts class, boys, ” leur dit-elle d'un ton faussement joyeux en les faisant grogner encore plus fort.

Harry était nerveux et stressé. Toutes ses nuits étaient animées par des cauchemars intenses, dont le thème était toujours le même: la mort. Quand ce n'était pas Cedric qui mourrait, c'était Mr Weasley. Quand ce n'était pas Mr Weasley, c'était Ron. Ou Hermione. Ou Ginny. Mais autant que ces cauchemars étaient terrifiants, rien n'était comparable à ce qu'il avait ressenti en étant dans les pensées de Voldemort. Il avait pu sentir ses crocs se plonger dans la chair, et le délicieux goût du sang chaud dans sa bouche... le sang de Mr Weasley. Il avait peur, si peur que Voldemort était toujours dans sa tête, tapi dans les ombres de son esprit. Alors il s'était installé dans le grenier, ne voulait pas partager ses nuits terrifiantes avec quiconque, et seulement Hermione semblait capable de le tirer de la pièce étroite et moite qui lui rappelait douloureuse Privet Drive. Il se sentait misérable et triste et pas bien et inquiet; nerveux.

Alors ce fût une surprise pour Molly de le voir dans la cuisine un matin, sans Hermione le tirant par le coude derrière elle avec un faux enthousiasme. Il ne fit aucune remarque, et elle préféra ne pas en faire non plus de peur de le brusquer, et elle ne posa aucune question en le regardant préparer deux tasses de chocolat chaud et remonter les escaliers. Il s'arrêta devant la porte d'Hermione et Ginny et, après avoir inspiré profondément, y frappa du bout du pied. Il ne put s'empêcher de grimacer légèrement quand Ginny ouvrit la porte et lui jeta un regard surpris. Hermione était partie voir ses parents pour la matinée et ne reviendrait que plus tard. “ Hey, ” dit-il, un peu stupidement. Il se sentait stupide depuis la veille, depuis quand Ginny l'avait rappelé à l'ordre et lui avait rappelé qu'elle avait vécu une expérience similaire à la sienne il y a trois ans. Il n'avait jamais été bon pour s'excuser. “ Do you want one? That’s for you. ” Malgré son expression surprise et prise de court, Ginny prit la tasse et le laissa entrer. “ Thanks. ” Harry hocha la tête comme toute réponse en faisant quelques pas dans la pièce. “ How are you feeling? — I’m okay. ” Un mensonge, bien entendu. Ginny pouvait voir d'elle-même les cernes sous ses yeux ainsi que la douce odeur de la pièce qu'il partageait avec Buckbeak partout sur sa personne.. Mais elle n'insista pas, reconnaissant sur le visage d'Harry cette petite expression contrite qui n'invitait pas aux questions. Il avait toujours été secret, distant parfois, sauf avec Ron et Hermione.

“ What about you? ” Ils se dirigèrent vers le lit de Ginny, Harry décochant un petit regard méprisant à Arnold qui reposait sur son oreiller. Sans lui laisser le temps de répondre, il rajouta: “ Listen about yesterday... I didn’t mean to... you know. I’m really sorry Ginny. It was stupid. — It’s fine. ” Harry baissa la tête malgré lui, pinçant légèrement des lèvres face à son ton froid et mordant. Il ne pouvait pas lui en vouloir, bien sûr... “ I mean it. You’ve been busy, ” ajouta-t-elle d'une voix plus chaleureuse et Harry ne répondit pas, ses yeux rivés sur la tasse de chocolat chaud dans ses mains. “ Well now that I’ve reminded you... ” Il lui jeta un regard en coin, l'observant lui sourire légèrement avec une chaleur amicale et bienveillante qui parvint à lui arracher l'esquisse d'un sourire à lui aussi. “ Let me also remind you that can also talk to me. About anything. ” Il hocha la tête, souriant un peu plus franchement. “ Thanks Ginny. ”

“ Nice moustache, Sirius. — Why thank you, Harry, I thought so too when I shaved this morning. ” Harry ne put pas s'empêcher de rire légèrement, heureux de voir Sirius si content de lui en laissant quelques doigts effleurer la moustache bien brossée au-dessus de son joli sourire. “ What about you young man? ” Harry, qui était en train de finir de faire la vaisselle, lui adressa un regard interrogateur sans comprendre où il venait en venir. “ Not shaving today? It is Christmas after all. And Molly does have strong opinion about unkept beards. ” Harry poussa un petit rire défaitiste en effleurant sa mâchoire quasi-imberbe. Ron était plus chanceux que lui de ce côté-là. “ Well, uh, I never do really. It's not- I mean, I've never done it... I don't think I really need to. No? I mean, I don't know. I mean-- — It's okay, Harry, ” fit Sirius en le voyant se mettre à radoter. Il s'approcha et lui posa la main sur l'épaule d'un air réconfortant. “ You got a little 'stache going on here too... — No I don't! — Yeah you do! ” Sirius se mit un rire, un son si rare qui était une symphonie aux oreilles de Harry. Voir la maison être remplie, quoiqu'en désordre, semblait faire un grand bien à son parrain. Il pouvait voir, désormais, le jeune homme charmant dont tout le monde qui l'avait rencontré à Poudlard parlait. Il avait coupé ses longs cheveux hirsutes, taillé sa barbe et plus souvent que jamais, souriait. Souriait avec tout son visage, avec ses yeux et ses dents.

Harry aurait tant aimé voir ce sourire sur les lèvres de Sirius constamment, et non juste aux alentours de Noël, surtout quand ils étaient tous réunis pour des raisons aussi tristes que l'accident de Mr Weasley. Aujourd'hui, le jour de Noël, il ne voulait pas penser à ça, il ne voulait pas se laisser envahir par la culpabilité. À la place, il essaya de se débarrasser de la main de Sirius qui essayait quant à elle de lui retracer la moustache (inexistante) alors qu'il avait les mains dans la mousse de la vaisselle.

Au final, Sirius finit par jeter un sort pour que la vaisselle se finisse toute seule, et par le convaincre de le suivre jusqu'à la salle de bains. “ Sit down. This is a magical kit Arthur got me, but you won't need the whole thing... so first, you put the cream on. That's that. No, not that. Yes, that. ” Sirius lui indiqua comment se raser, gentiment, s'aidant avec sa baguette pour faire flotter les différents éléments jusqu'à eux. Harry écoutait attentivement, riant un peu quand Sirius lui tailla une énorme moustache avec la crème de rasage et finissant par faire la moue en laissant son parrain s'occuper de sa peau quasi-imberbe. “ Here you go. Set for adulthood. ” Harry s'observa dans le miroir d'un air un peu dubitatif, se frottant la mâchoire. “ Getting there. — Getting there, exactly! Looking dashing, Harry. ” Ce dernier sourit légèrement, presque timide. “ Thanks Sirius. ”

Ce Noël fût joyeux, malgré le teint pâle de Mr Weasley. Ils mangèrent et ils burent et ils portèrent des toasts tout en riant. C'était bizarre, de faire la guerre et d'être si heureux, d'avoir le poids du monde sur les épaules et de parvenir à sourire.

Harry leva son verre plus haut que tout le monde, et il rit plus fort que tout le monde, et il se força à se détendre, et à profiter, juste un moment, de ce parfum de liberté.

Quand Harry rouvre les yeux, un objet étrange lui fait face. Il lui faut un petit moment avant de se rappeler où il a déjà vu quelque chose de similaire: dans le bureau de Dumbledore, lors de sa quatrième année. Il avait été attiré par la lumière étrange et la consistance laiteuse du liquide à l'intérieur de l'étrange récipient en pierre... et à trop s'en approcher, il s'était fait aspiré et envoyé dans les souvenirs de Dumbledore.

Il dodeline de la tête, se détache de ce souvenir étrange. Que fait-il ici? Où est-il? Et à qui appartiennent les souvenirs filandreux qu'il voit flotter à la surface de l'eau magique? “ Harry? Harry, are you okay? ” Il remue, marmonne quelque chose, ses yeux fixés sur la Pensine; sa tête dodeline et il finit par s'avancer, attiré par l'eau translucente. Des doigts cruels s'accrochent à ses cheveux, dans sa nuque, et sa tête rentre douloureusement dans le sommet du dossier de sa chaise inconfortable.

Où est-il? Pourquoi est-ce que ses mains sont attachées dans son dos? Pourquoi a-t-il si mal à la tête? Au ventre? Aux dents? Aux bras? Aux jambes? Partout?  

“ Put him back in, ” fait une voix pleine de haine, et Harry n'a pas le temps de hurler que sa tête est plongée de nouveau dans la Pensine.

Le veille de Noël, Harry se coucha en pensant au lendemain, au buffet qui l'attendait et aux activités qu'il pourrait faire avec Ron et Hagrid, mais il ne s'attendait pas à recevoir de cadeaux. Il se réveilla au son de papier cadeau se faisant déchirer sauvagement par les doigts de Ron. “ Merry Christmas, ” lui dit ce dernier d'une voix ensommeillée tandis que Harry s'extrayait du lit et enfilait sa robe de chambre. “ You, too, ” dit Harry. Il fut surpris de voir qu'un paquet se trouvait au pied de son lit, presque indiscernable au milieu des chaussettes sales tant il était fin et petit. À l'intérieur se trouvait une simple lettre à laquelle était scotchée une pièce de cinquante pence. We received your message and enclose your Christmas present. From Uncle Vernon and Aunt Petunia. “ That's nice from them, ” dit Harry, légèrement amusé autant qu'il était un peu déçu. Bien entendu, les Dursley ne l'avait jamais habitué aux cadeaux de Noël, mais ils mettaient toujours un point d'honneur à lui en offrir au moins un plutôt que rien du tout, ce que Harry trouvait aussi désespérant que ridicule.

Ron, de son côté, avait déjà bien entamé sa pile plutôt impressionnante de cadeaux mais s'approcha d'Harry d'un air fasciné en regardant la pièce. “ Weird! ” dit-il d'une voix pourtant appréciative. “ What a shape! This is money? — You can keep it, ” lui proposa Harry qui commença à rire en voyant son air ravi. “ But that's your only gift! ” Ron devint rouge comme une tomate après avoir fermé la bouche et Harry, comprenant qu'il était gêné, se contenta de sourire en désignant à la place les paquets de son ami. “ It's okay, it's like that every year. Now, what did you get? ” Malgré sa gêne, Ron finit par faire signe à Harry de s'asseoir à côté de lui sur son lit pendant qu'il déballait ses cadeaux, et lui proposa généreusement de partager le fudge fait par sa mère. Il ne put s'empêcher de rire en voyant le pull violet joint aux friandises, et surtout en voyant la tête de Ron.

Il apprit plus tard que tous les membres de la famille Weasley avait reçu l'un de ces pulls tricotés par leur mère, avec la première lettre de leur prénom sur le torse. Harry se demanda ce que ça faisait, d'avoir une si grande famille, et une mère qui aimait autant ses enfants au moins de passer autant de temps à préparer leurs cadeaux de Noël. Lui s'était habitué étranges cadeaux des Dursley: les stylos sans encre, les capsules de bouteille de soda, les briquets jetables sans gaz, le cadeau le plus utile qu'ils lui aient fait était sans doute le carnet aux pages à moitié arrachées qu'ils avaient acheté à Poundland après être revenu du restaurant (Harry restait toujours à la maison et faisait la fête avec les araignées, le jour de Noël, tandis que les Dursley allaient au restaurant: ce n'était pas pour un jour de fête que Petunia allait se mettre en cuisine).

Ce soir-là, il alla au lit le ventre plein, ce qui n'avait jamais été le cas un soir de Noël avant ça. Et c'était déjà amplement suffisant. Il n'avait pas besoin de plus.

“ I seem to remember telling you both that I would have to expel you if you broke any more school rules, ” dit Dumbledore et Ron ouvrit la bouche, horrifié. “ Which goes to show that the best of us must sometimes eat our words. You will both receive Special Awards for Services to the School and — let me see — yes, I think two hundred points apiece for Gryffindor. ” Le visage de Ron prit une teinte rosé vif et il referma la bouche. “ But one of us seems to be keeping mightily quiet about his part in this dangerous adventure. Why so modest, Gilderoy? ” Harry sursauta. Il avait complètement oublié Lockhart. Il se retourna et le vit debout dans un coin de la pièce, un vague sourire aux lèvres. Lorsque Dumbledore s'adressa à lui, il regarda par dessus son épaule en croyant qu'il parlait à quelqu'un d'autre. “ Professor Dumbledore, ” dit Ron, “ there was an accident down in the Chamber of Secrets. Professor Lockhart-- — Am I a professor? ” s'étonna Lockhart. “ Goodness. I expect I was hopeless, was I? ” Malgré la tristesse de la situation, Harry se sentit sourire très légèrement. “ He tried to do a Memory Charm and the wand backfired, ” expliqua Ron.  “ Dear me. ” said Dumbledore, shaking his head, his long silver mustache quivering. “ Impaled upon your own sword, Gilderoy! — Sword? ” dit Lockhart d'une voix éteinte. “ Haven’t got a sword. That boy has, though, ” ajouta-t-il en montrant Harry. “ He’ll lend you one. ” Dumbledore hocha la tête d'un air sérieux et reporta son attention sur Ron.

“ Would you mind taking Professor Lockhart up to the infirmary, too? ” lui demanda-t-il. “ I’d like a few more words with Harry… ” Lockhart sortit du bureau d'un pas lent. Ron le suivit et referma la porte en jetant un regard intrigué à Dumbledore et à Harry. Dumbledore s'approcha d'un des fauteuils devant la cheminée. “ Sit down, Harry, ” dit-il. Harry obéit. Il se sentait étrangement inquiet.

Dumbledore prit place à côté de lui et un léger silence s'installa. “ As I've implied before, what you did was good Harry. You've saved Ginny and you've rid our dear school from a threat that even I was struggling with. ” Harry se détendit légèrement sur le fauteuil malgré lui, mais s'immobilisa et arrêta de respirer quand les yeux clairs de Dumbledore se vissèrent sur lui. “ But don't ever put anyone else in danger like you did with Ron and Professor Lockhart. ” Harry sentit sa gorge se serrer. “ What you did was reckless and stupid, and you've only managed to get out of there alive by the skin of your teeth. And brought back a crippled Professor Lockhart! ” Pour la première fois depuis qu'il avait fait la connaissance, Harry put voir autre chose que de la bienveillance sur le visage ridé de Dumbledore. “ Next time, fetch me or another capable wizard. Do you hear me, Harry? — Yes Professor. I'm sorry. — As you ought to be. ”

Dumbledore secoua la tête avec lenteur, avant de soupirer posément et de lever la main. Fawkes vola jusqu'à lui et alla se poser sur ses genoux, sous les yeux embarrassés mais curieux d'Harry. “ And so you met Tom Riddle, ” dit Dumbledore d'un ton pensif. “ I imagine he was most interested in you... ” Soudain, quelque chose qui tracassait Harry franchit enfin ses lèvres, presque malgré lui. “ Professor Dumbledore... Riddle said I’m like him. Strange likenesses, he said... — Did he, now? ” répondit Dumbledore en regardant Harry d'un air songeur sous ses épais sourcils argentés. “ And what do you think, Harry? — I don’t think I’m like him! ” s'exclama Harry beaucoup plus fort qu'il ne l'aurait voulu. “ I mean, I’m- I’m in Gryffindor, I'm... ” Il s'interrompt de lui-même, un doute remontant à la surface. Harry se souvenait parfaitement de sa Cérémonie de Répartition et du fait que le Choixpeau avait hésité à l'envoyer à Slytherin, n'acceptant de l'envoyer à la maison rouge et or qu'après qu'il ait insisté. Dumbledore l'observait toujours d'un air curieux, caressant Fawkes d'une main tendre. Quand il comprit qu'Harry n'allait rien dire de plus, il dit, d'une voix calme et posée: “ I've had the... pleasure to teach both you and Tom and I have to admit I see much of him in you. ” Harry ouvrit la bouche, horrifié, mais aucun son n'en sortit. “ It is uncanny, really, ” dit-il d'un ton pensif. Dans ses yeux brillait une étincelle qui n'avait rien de malicieuse, pour une fois.

Si Harry ne savait pas que Dumbledore était le sorcier le plus puissant au Royaume-Uni, il aurait presque pu croire déceler de la peur dans son regard.

Harry avait les yeux rivés sur le front de Snape, frappés tous les cinq pas par les parois rocheuses du tunnel menant de la Cabane Hurlante à Poudlard. Il pouvait imaginer sans mal le plaisir malsain que pouvait ressentir Sirius à l'idée de manipuler Snape avec sa propre baguette et de ne pas lui épargner la moindre égratignure sur son front fuyant. “ You know what this means? Turning Pettigrew in? ” Harry hocha la tête, observant le profil de Sirius tourné vers lui. “ You're free. ” Il se souvint de la première image qu'il avait eu de Sirius Black: son sourire dément sur la couverture de la Gazette du Sorcier. Il pensait qu'il allait perdre la vie de la main de cet homme mais en réalité, il avait trouvé... trouvé un quoi, exactement? Il se souvint, avec beaucoup d'émotions, de la conversation entendue entre Fudge, Flitwick, McGonagall, Hagrid et Madame Rosmerta aux Trois Balais...

“ Yes... but I'm also- I don't know if anyone ever told you- I'm your godfather. ” Harry déglutit difficilement. “ I knew that. ” Sirius marqua une pause, silencieuse et rapide, et tourna de nouveau la tête pour le regarder rapidement avant de reporter son regard sur la silhouette inconsciente de Snape flottant à quelques centimètres au-dessus du sol. Un mélange d'appréhension et de soulagement se trouvait sur son visage. “ Well... your parents appointed me your guardian. If anything happened to them... ” Harry attendit. Sirius pensait-il à la même chose que lui? Un léger silence régna pendant quelques instants, ponctués par le bruit de leurs pas dans le tunnel et la commotion à l'avant de Pettigrew se plaignant à Remus et Ron. Dans son dos, Hermione inspira rapidement: il pouvait l'entendre traîner des pieds derrière lui pour leur laisser, à lui et à Sirius, un peu d'intimité.

Harry sentit son coeur bondir dans sa poitrine, alors qu'il attendait que Sirius finisse sa phrase. “ I'm sorry, Harry, ” dit Sirius, très gentiment. Les parents d'Harry étaient morts depuis des années et il ne les avait jamais connus: ils les avaient regrettés, pourtant, et même si il ne les connaissait pas, ils lui avaient manqué. Il n'osait pas imaginer ce que pouvait ressentir Sirius, le meilleur ami de son père de son vivant, qui venait de passer douze ans en captivité pour un crime horrible qu'il n'avait pas commis. Le visage de profil de Sirius changea brusquement, passant d'une vulnérabilité rapide à une distance froide et désagréable qui fit dévaler une sueur glacée dans le dos d'Harry. “ Well of course, as they say, blood is thicker than water, eh? ”

L'ampleur de la déception d'Harry manqua de lui faire perdre pied. Il n'osait même pas mettre un mot sur ce qu'il venait d'imaginer. Depuis longtemps, il avait perdu l'espoir qu'un jour sa lointaine famille retrouve sa trace et le sauve des griffes des Dursley. Il savait très bien ce que disait l'adage: que les liens du sang étaient plus forts que tout... pourtant, ce n'était pas avec les Dursley qu'il avait plus en commun. Avec eux, il ne pouvait pas parler de Quidditch, de Métamorphoses, d'hippogriffes, de magie. Avec eux, ils n'avaient même pas le droit de parler de ses parents. Avec eux, il avait à peine le droit d'exister.

Harry baissa la tête et regarda ses chaussures alors qu'ils cheminaient en silence jusqu'à la sortie du tunnel. Pour la première fois depuis des années, lui semblait-il même si une partie de son esprit savait que ce n'était pas vrai, il sentit des larmes piquantes et amères lui monter aux yeux. Personne ne viendrait pour lui, et encore moins un homme qui venait de passer des années en prison et qu'il connaissait à peine. Personne ne viendrait le sauver des Dursley, de l'esprit de Voldemort ou du Sinistros. Personne ne viendrait pour lui.

Harry renifla silencieusement, comme il avait appris à le faire après des années passées dans un placard sous l'escalier où il n'avait pas le droit de faire le moindre bruit, et ignora le poids douloureux et étouffant qui reposait désormais sur sa poitrine.

“ Jealous? ” dit Harry d'un ton incrédule. “ Jealous of what? He wants to make a prat of himself in front of the whole school, does he? — Look, ” dit Hermione avec patience. “ It's always you who gets all the attention, you know it is. I know it's not your fault, ” ajouta-t-elle précipitamment en voyant Harry ouvrir la bouche d'un air furieux. Comment osait-elle...? Harry aurait volontiers troqué sa triste célébrité et ses aventures dangereuses pour le quart de l'anonymat dont pouvait profiter Ron malgré les traits reconnaissables de sa famille, malgré les difficultés qu'il pouvait trouver en retournant au Terrier, malgré la précarité tirant sur la pauvreté de sa situation. Il aurait échangé ça en un clin d'oeil, si ça voulait dire avoir une maison, un bref lit aux ressorts non défoncés, des parents lui envoyant des cadeaux de Noël. Il aurait troqué la totalité de cette célébrité et de cette attention constamment tournée vers lui, pour la moitié de la tranquillité d'esprit d'avoir une maison habitable dans laquelle retourner pendant l'été.

“ I know you don't ask for it... but - well - you know, Ron's got all those brothers to compete against at home, and you're his best friend, and you're really famous - he's always shunted to one side whenever people see you, and he puts up with it, and he never mentions it, but I suppose this is just one time too many... ” Harry sentit ses joues prendre une intéressante couleur rouge et ses mâchoires se serrer jusqu'à ce que ses dents grincent; Hermione semblait partie pour continuer de parler, malgré sa nervosité à voir la fureur silencieuse de Harry monter, monter, monter. Il ne sut quoi dire pendant quelques secondes, la regardant se tordre les mains anxieusement et laisser sa voix s'éteindre dans un petit bruit misérable. “ Great, ” dit Harry avec amertume, au bout d'un long moment. “ Really great. Tell him from me I'll swap any time he wants. Tell him from me he's welcome to it.... People gawping at my forehead everywhere I go... — I'm not telling him anything, ” Hermione dit d'un ton pincé. “ Tell him yourself. It's the only way to sort this out. — I'm not running around after him trying to make him grow up! ” s'exclama Harry d'une voix si forte que plusieurs hiboux perchés dans un arbre proche s'envolèrent dans un mouvement de panique.

“ Maybe he'll believe I'm not enjoying myself once I've got my neck broken or - ” Hermione leva les yeux au ciel avec humeur, poussant un petit bruit exaspéré. “ It's not always about you, Harry, you know?! ” Harry cligna des yeux un peu bêtement et sentit aussitôt ses sourcils se froncer tandis que son visage devenait plus rouge et brûlant que jamais. “ It's like you can't see about us- your friends! your friends who have been standing by you all this time without saying anything. Through thick and thin, through pain and isolation, through everything, Harry! ” La voix d'Hermione tremble et les poings d'Harry se serrent. À la colère se succèdent la tristesse et l'horrible réalisation qu'elle a raison.

Comment a-t-il pu être si égoïste, si cruel, si aveugle? “ You have no idea what it's like, being friends with you, ” dit Hermione avec colère, le genre d'émotion à laquelle il n'est pas habitué de sa part, avant qu'elle ne se retourne et s'en aille d'un pas furieux, le laissant assommé et silencieux, seul.

Toujours seul. Il ne pourra jamais les comprendre, et eux ne pourront jamais comprendre non plus. Il doit juste accepter ça.

Bellatrix brandit sa baguette magique. “ Crucio! ” Harry sentit son coeur sombrer dans sa poitrine en voyant le corps de Neville se mettre à se tordre, tombant au sol quand le Mangemort le portant au-dessus du sol le lâcha brutalement. “ Let my friends go! ” Il n'en pouvait plus, de tous ces gens qui souffraient par sa faute: il aurait mieux fait de se rendre au Ministère seul... partout où il regardait, ses amis étaient en sang, inconscients ou terrifiés, et ils étaient entourés par des sorciers expérimentés, cruels et puissants. Ils n'avaient aucune chance. “ If I- if I give it to you... you'll stop hurting them, right? ” Les yeux de Malfoy s'étrécir alors qu'un rictus vint tordre ses lèvres. “ They can walk free. ” Harry comprit que ça voulait dire que lui n'allait pas pouvoir leur échapper et à cette pensée, son coeur se serra douloureusement dans sa poitrine: l'étreinte de la peur. “ Harry... no... ” gémit misérablement Neville mais Harry ne l'écouta pas, tendant plutôt d'une main tremblante la prophétie à Malfoy.

Le reste s'enchaîna très vite: Malfoy attrapa la boule translucide, ses petits yeux clairs étrécis d'avarice; Bellatrix Lestrange poussa un piaillement de victoire, puis de terreur alors que des sortilèges se mirent à voler. Harry tourna brusquement la tête pour apercevoir Sirius, Remus, Tonks et Kingsley, se répartissant dans la pièce alors que leurs baguettes vomissaient des sortilèges dorés, argentés, bleus et rouges. Harry sentit son coeur s'alléger dans sa poitrine en voyant le sourire confiant que Sirius lui adressa... presqu'aussitôt, Malfoy était sur lui, un bras passé autour de son cou pour l'étrangler alors que le bout de sa baguette reposait sur sa gorge. “ STOP! STOP IT ALL OR HE'S DEAD! ” Tous les regards se tournèrent vers eux alors qu'Harry se mit à se débattre, ses ongles s'enfonçant dans le bras de Malfoy, en vain. “ STOP! ” Même Sirius baissa sa baguette lentement en s'approchant précautionneusement de là où il se trouvait au pied des gradins. “ DON'T YOU DARE TAKE A STEP FURTHER, BLACK, I'LL KILL HIM! ” Tous les membres de l'Ordre se firent aussi immobiles que possible alors que les Mangemorts, relâchant les jeunes de l'AD et pansant leurs blessures difficilement en chemin, rejoignirent Harry et Malfoy au pied des marches. “ You can walk free now. ”

Harry eut envie de leur hurler de le faire. De les convaincre: ne pensez pas à moi, allez-y, sauvez mes amis, je suis tellement désolé de les avoir mis en danger! Il pensait sincèrement qu'il aurait besoin de le faire: que Sirius allait protester, maudire Malfoy et sauter sur eux pour sauver son filleul. Que Remus allait préparer une stratégie parfaite pour le sortir de là. Que Dumbledore allait débarquer et le sauver.

Mais Sirius ne bougea pas, ses yeux sombres vissés sur Malfoy se détachant pour échanger un morceau de conversation silencieuse avec Remus.

Et de lentement se reculer.

Harry sentit son coeur sombrer dans sa poitrine.

Les baguettes se baissèrent lentement, Remus alla aider Ron à se relever, dans un silence morbide et déplaisant. Les membres de l'Ordre et de l'Armée de Dumbledore se mirent à monter, une à une, les marches du gradin permettant de sortir de la Salle de la Mort.

Harry eut envie de leur hurler de ne pas le faire. De se battre pour lui, de le sauver. De l'arracher aux griffes de Malfoy dont l'emprise autour de son cou devenait de plus en plus intense à mesure que les secondes défilaient.

Ils sortirent de la pièce sans un regard en arrière.

Harry avait l'impression qu'on lui enfonçait la tête sous l'eau, en s'avançant sur le petit perron aux marches grises qui menait à la maison des Dursley. Tout était familier: le quartier désert et les regards avides des voisins derrière les rideaux, l'herbe bien coupée et les stores blancs obstruant les fenêtres. Le SUV était bien garé dans l'allée à la maison, mais aucune lumière n'était allumée à l'intérieur. L'endroit aurait pu être abandonné, si Harry n'avait pas vu un fin trait de fumée s'élever de la cheminée en arrivant. “ What are you waiting for? Come in, ” siffla Voldemort dans son dos et Harry sentit les cheveux sur l'arrière de sa nuque se dresser désagréablement. Il savait, après avoir vécu des années dans cette petite maison de Privet Drive, que les voisins étaient à l'affût, toujours, derrière les portes fermées et les fenêtres aux rideaux tirés. Il se demanda ce qu'ils étaient en train de voir. Deux hommes, debout devant la porte des Dursley, silencieux et immobiles; l'un d'eux vêtu d'une ample cape noire, le crâne rasée et la peau blanche; l'autre chétif et nerveux, osseux — le reconnaîtraient-ils? Il préféra ne pas y penser en s'approchant de la porte, suivant son instinct et posant directement la main sur la poignée pour entrer.

À peine eut-il mis pied à l'intérieur qu'il sut que les Dursley étaient morts. Il ignorait depuis combien de temps, il ignorait comment, il ignorait pourquoi, mais ils étaient morts.

L'endroit était vide, froid, malgré la lumière du feu qu'il pouvait voir briller dans le salon au bout du couloir de l'entrée. Harry sentit un étrange vide s'emparer de sa poitrine, un chagrin dont il n'aurait jamais pu soupçonner la simple possibilité: sa dernière famille, la dernière personne au monde partageant son sang de manière directe, était morte. “ Don't be sad, ” dit Voldemort, d'une voix étonnamment douce, derrière lui. “ Do you not remember? ” L'autre homme le dépassa, sans le toucher, et s'engagea dans le couloir à la moquette usée. Harry resta figé dans l'entrée, surtout en voyant Voldemort s'approcher de la porte du placard sous l'escalier. Il regarda la main osseuse du Mage Noire enrober la poignée et la tourner lentement et il eut envie de lui hurler d'arrêter, de lâcher le mécanisme et de s'en aller: ce n'était pas sa place, il n'avait pas le droit. Mais il ne dit rien et le regarda ouvrir la porte. À la place du vide, il eut l'impression que du coton venait de remplir ses poumons et le reste de sa poitrine.

Il essaya de toutes ses forces de résister à l'envie de s'approcher, mais voir Voldemort se pencher pour observer l'intérieur de ce qui avait été sa chambre pendant onze ans lui fit faire un pas en avant sans qu'il ne puisse s'arrêter. “ Don't. ” Il crut surprendre l'ombre d'un sourire sur le visage du mage noir avant qu'il ne se redresse et le regarde. Sans un mot, Harry s'avança (soulagé que Voldemort se recule en même temps) en redoutant tout ce qu'il pourrait trouver dans ce petit placard sous l'escalier.

Il tira la ficelle pour allumer la lumière. Après que son oncle ait généreusement décidé de lui autoriser à dormir dans la seconde chambre de Dudley, le placard avait repris ses fonctions. S'y trouvait un nombre improbable de chaussures, cinq parapluies, et l'un des deux aspirateurs de la maisonnée. Harry pouvait toujours voir les lignes de là où ses étagères avaient été montées sur un mur et, en cherchant bien, il pouvait presque deviner les traces de poussière marquant les contours du matelas sur lequel il avait dormi pendant des années...

“ Do you know why they kept you in there, Harry? ” lui parvint la voix de Voldemort, comme dans un rêve, et Harry ferma brièvement les yeux. Il n'en pouvait plus, des conversations sans fin, des questions ouvertes et traîtresses. Il n'en pouvait plus, et se serait volontiers laissé tomber sur le matelas si il avait été encore là; aurait fermé la porte du placard derrière lui et aurait dormi pendant des dizaines d'années, avec rien de plus que les araignées pour compagnie. “ Do you think it was out of fear? or hate? Maybe dear Petunia blamed you for her sister's death. Or was it something else, more arbitrary, that made no sense, I wonder...? ” Harry grinça des dents, éteignit la lumière et se redressa lentement. “ Why did you bring me here? — Come and follow me, Harry. Come, ” insista le Mage Noir, Harry le suivant à contrecoeur après avoir fermé la porte du placard, tirant le loquet pour la verrouiller comme si ça faisait la moindre différence. Voldemort s'installa confortablement dans le fauteuil dans lequel Harry avait vu son oncle Vernon s'affaler presque tous les soirs, lui demandant d'aller lui préparer du thé tout en se plaignant de ceci ou de cela à une Petunia au regard absent derrière le comptoir de la cuisine. Cette pensée tordit quelque chose dans la poitrine d'Harry. “ What happened to them? ” demanda-t-il du bout de ses lèvres sèches. “ Does it matter really? Do you care? ” Une véritable curiosité agitait le visage du Mage Noir. “ After all they've done to you? ” Harry resta silencieux, immobile au milieu de la pièce, incapable de seulement exprimer et expliquer les émotions fortes et contraires l'agitant. “ What are we doing here, Tom? ”

La colère apparut comme un coup de tonnerre sur le visage normalement affable de Voldemort; en réponse, les quelques flammes dans l'âtre grandirent, brûlèrent jusqu'à devenir bleu pendant quelques instants; Harry resta immobile, poings serrés et dents grinçantes. Voldemort détourna les yeux en premier, ses prunelles rouge sang se tournant vers l'une des nombreuses télévisions des Dursley. D'un coup de baguette, il l'alluma et après un petit grésillement, une femme apparut, l'air grave et sérieuse. “ ...has not been claimed yet, even though news outlets report... ” Harry n'entendit pas la suite, ses yeux fixés sur l'image venant d'apparaître au coin de l'écran: une fumée noire s'échappant de l'immeuble le plus grand qu'Harry ait jamais vu. “ Do you see those little dots over there, Harry? Flying off the building? Those are people. People jumping off so they don't get killed by the fire and debris. Do you want to know who did it? ” Il tourna la tête vers Voldemort, dont les yeux étaient toujours rivés sur l'écran. “ They don't know. They don't know yet, ” corrigea-t-il alors que la présentatrice se perdait en conjunctures et explications alarmantes. “ But soon enough they'll find a scapegoat, and they'll blame them for all their problems, and then something else will happen, and it will go on and on and on and on. Muggles always fight. That's in their nature. They fight each other, and they destroy the Earth — our Earth may I add —, and they make us live in fear, in cupboards under the stairs and in bombed-out orphanages. Do you think that's fair? That the people who were supposed to care for you did that to you? And why, Harry, why? Why should we live in fear? Why couldn't we live in harmony? — You don't want harmony, ” répliqua aussitôt Harry. “ You want power. And you want to rule. ” Les yeux de Voldemort se figèrent sur lui, alors qu'un sourire sinistre vint étirer sa bouche aux lèvres pâles. “ Yes I want that too. But over what will I rule if they kill us? — You mean if they kill us first. ”

À la plus grande surprise de Harry, Voldemort se mit à rire. Le son n'était pas aussi désagréable que ce qu'il aurait pu imaginer: il n'avait rien de plaisant, bien entendu, mais n'était pas aussi sinistre qu'on aurait pu le croire. Le son fit néanmoins se dresser tous les poils de Harry sur son corps. “ You seem to think I only want chaos and death for them, but I do not blame you: you haven't been outside in a long time. You see, everyone has their place in the world, which creates the harmony I was telling you about. Some places of course are less... sophisticated than others. But it's just the way life is. ” D'un mouvement vif et inattendu, le Mage Noir se releva et l'instant suivant, s'approcha d'Harry jusqu'à ce qu'ils soient nez à nez; il eut un mouvement de recul, mais les doigts osseux de Voldemort attrapèrent son poignet et l'empêchèrent de s'éloigner. “ I'm not asking you to refuse to forget and forgive any Muggle that ever wronged you, Harry, ” siffla le Mage Noir d'une voix douce. “ I'm asking you to see what the muggle world has come to without us. We could help them, feed them, restore and repair what they've broken and damaged over the millennia. We could help them, truly, and build a better world for all of us. Us, and them. But we can't do that if we're not a united front. ” Il relâcha son poignet et Harry recula, frottant sa peau là où il l'avait touché comme si il l'avait brûlé. La télévision tournait toujours en bruit de fond, et les flammes grandissaient dans l'âtre de la cheminée, et l'endroit était trop vide, mais trop étouffant à la fois. “ And for that, I need your help. ”

Il se souvient s'être réveillé dans le noir, et avoir pensé qu'il était mort. Rien d'autre n'aurait pu expliquer la douleur qui parcourait son corps, son crâne surtout, comme si il allait être sur le point de se scinder en deux. Il se souvient du noir, pendant des jours et des jours, il se souvient avoir perdu conscience du temps, il se souvient avoir eu faim, il se souvient de la honte piquante qui l'a pris quand il a dû se soulager sur lui-même. Il se souvient de la porte qui s'est ouverte, sans un grincement, baignant la salle dans laquelle il se trouvait de lumière; il se souvient, à sa grande honte, s'être ratatiné sur lui-même dans un coin comme si le soleil l'avait brûlé. Il se souvient de sa voix, sinistre et grinçante, et ses yeux rouges qui brillaient presque dans le noir: “ the boy who lived... ”

Il se souvient vaguement de la douleur chez les Dursley: les coups de cannes, les gifles sur les oreilles, les poings de Dudley s'enfonçant dans ses bras et le poussant avec dureté contre les murs. Il se souvient de ses blessures de Quidditch, les os cassés, la fois où Fred lui a envoyé un Cognard dans le nez, et celle où Ginny lui est entrée dedans à toute vitesse et qu'ils se sont écrasés sur le sol meuble des alentours du Terrier, elle sur lui, en grognant de douleur. Il se souvient de la douleur des mots d'Umbridge s'inscrivant sur le dos de sa main: je ne dois pas dire de mensonges, du sang coulant le long de son pouce. Il se souvient des coups du Saule Cogneur dans son estomac, il se souvient de la douleur qu'il avait ressenti en voyant Cedric mourir, complètement indescriptible, ce sentiment de vide et de trop-plein à la fois. Il se souvient avoir pensé, pendant des années, qu'il savait ce que voulait dire douleur. Qu'il y était habitué: que comme Atlas, il pouvait supporter ce poids sur ces épaules sans faillir. Qu'il était fort, comme tout le monde le disait, et courageux. Il se souvient avoir pensé que rien de ce qu'ils pourraient lui faire allait le briser ou lui faire du mal. Qu'il vaincrait. Qu'il était supposé vaincre.

Il se souvient avoir eu tort.

Il se souvient avoir pleuré. Il se souvient avoir supplié. Avoir gratté les murs jusqu'à ce que ses ongles saignent. Il se souvient s'être forcé à rester discipliné: être resté assis dans un coin sans rien dire pendant des heures, ignorant le froid et la faim, le désespoir et l'horreur. Il se souvient n'avoir rien dit pendant des jours entiers, puis s'être mis à parler sans s'arrêter. Il se souvient des histoires loufoques, du fait qu'il écrivait à voix haute des lettres à ses amis. Il disait à Ron combien il lui manquait, combien il l'aimait aussi — ils ne se le disaient jamais assez, ça, avant. Il lui disait qu'il lui manquait comme un morceau de son âme. Il racontait à Hermione qu'elle était brillante, qu'il l'adorait même quand elle était insupportable, et combien il était fier d'être son ami. Qu'il aurait aimé qu'ils rigolent plus et se disputent moins. Dans ses fièvres désespérées, il disait à Ginny qu'elle était bien plus que tout ce qu'il méritait; il racontait à Dean et Seamus que leurs farces lui manquaient; il encourageait Fred et George, encore et encore, à continuer d'inventer, de rêver; et puis à Sirius, son parrain, son père, le seul homme avec Dumbledore en qui il avait confiance, il pleurait en lui disant combien il aurait aimé passer plus de temps avec lui. Il leur parlait, à tous, ils peuplaient ses rêves et sa petite cellule, et, dans ses moments de désespoir les plus profonds, ils lui répondaient. L'encourageaient, le moquaient, ça dépendait des jours. Harry se souvient que sur la fin, ils ne lui parlaient plus mais il était persuadé qu'ils étaient là, autour de lui, dans le noir, à le regarder.

Ils ne sont jamais venus le sauver.

“ Up already? ” Harry se passe une main sur le visage et grogne comme toute réponse, se dirigeant en traînant les pieds vers le comptoir de la salle à manger. Dans le manoir Malfoy, il n'y a pas de cuisine au rez-de-chaussée: elles sont cachées dans les sous-sols où les elfes vivent. Harry se souvient encore de toutes les fois où les Dursley lui faisaient faire à manger... Il se frotte les yeux en s'asseyant en face de Narcissa, en train d'écrire une lettre avec une tasse de thé. L'un des elfes se précipite aussitôt pour lui apporter son petit-déjeuner habituel: son verre de jus d'orange, sa tasse de thé, son assiette de saucisses, bacon, haricots rouge et oeuf au plat. Il mange avec entrain, sans rien dire, sentant le regard de Narcissa l'observer pendant un long moment avant qu'elle ne se remette à écrire sa missive.

Un silence étrangement confortable règle dans la salle à manger. Harry et Narcissa s'entendent bien. Cela fait presque un an qu'ils vivent dans le manoir Malfoy en Angleterre, et il n'y a jamais eu de problèmes. Harry était très content de sortir de sa petite cellule pour bon comportement. Au début, on ne le laissait que sortir quelques minutes par jour, pour profiter du soleil. Puis quelques heures. Puis on l'a laissé dormir dans une chambre à la porte fermée à double tour, sans fenêtres. Puis on l'a laissé vivre dans un manoir, mais il y avait des Mangemorts partout, la main crispée sur leur baguette. Quand il a demandé, on lui a dit qu'ils avaient peur qu'il soit un danger pour lui-même.

C'est vrai que Harry y a pensé. S'écraser la tête contre le mur. Se mordre le poignet jusqu'au sang et espérer que ça suffise. Mourir. Mourir. Mourir. La mort aurait été préférable, semblait-il.

Il n'y pense plus maintenant. Impossible de penser à ça quand il peut marcher et respirer et sentir le soleil sur sa peau.

Finalement, on lui a présenté Narcissa Malfoy et il a emménagé chez elle. Il a sa propre chambre, sa propre salle de bains, ainsi qu'une pièce qui lui sert de dressing. Même ce dressing est plus grand que le placard dans lequel il vivait quand il était petit.

Harry se souvient bien de tout ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Évidemment, il évite de penser à ces mois de terreur et d'horreur et de douleur qu'il a passé dans le noir. Ça lui fait mal. Il préfère se concentrer sur le futur. Il se souvient de tout, mais ça lui fait mal d'y penser: il a des maux de tête, des envies de vomir, des vertiges. Alors il n'y pense pas. Il pense au fait que ses amis sont quelque part, en vie, et qu'il n'a pas envie qu'ils meurent. Il pense au fait qu'ils sont quelque part, et trop faibles, et qu'ils ne pourront jamais gagner, et qu'ils ne le comprennent pas. Il pense au fait qu'il veut les revoir, en vie, alors il faut qu'il les convainque de se rendre.

(Il pense au fait qu'ils l'ont abandonné aussi, parfois. Qu'il a toujours été seul. Que ça ne changera jamais.)

Il pense à un monde meilleur. Il pense au plus grand bien. Même si ça veut dire s'allier au plus grand mal.

Est-Il vraiment le plus grand mal si Il lui a sauvé la vie?

“ I got you something. ” Harry cesse de s'empiffrer et relève les yeux vers Narcissa, secouant la tête pour en sortir les pensées étranges qui y habitent depuis ce matin. Il la regarde d'un air ahuri et elle arque un sourcil. “ Isn't today your birthday? ”

Harry cligne des yeux. “ ...yes. ” Il n'est pas sûr de l'âge qu'il a. Il essaie de compter, mais il a passé tellement de temps dans le noir. Ils ne reçoivent pas le Daily Prophet au manoir, Narcissa le tient éloigné de tout: so that your heart doesn't get broken. Alors il ne sait pas. Il ignorait même qu'aujourd'hui était son anniversaire. Il doit avoir... dix-neuf, vingt ans? Vingt-et-un, à tout casser. “ It's not everyday you turn twenty-five. ” Harry sent malgré lui son coeur se pincer dans sa poitrine. Il ne répond pas et retourne à son petit-déjeuner, se forçant à rester neutre en sentant les yeux perçants de Narcissa continuer d'examiner son visage.

Plus tard, il retourne dans sa chambre pour se laver et s'habiller, passant plusieurs minutes sous l'eau chaude sans rien dire, se demandant s'il est possible de se noyer debout. Quand il sort de la salle de bains et retourne dans le salle à vivre après avoir enfilé quelques vêtements, un paquet soigneusement emballé l'attend sur l'imposante table où est assise Narcissa. “ Go on then, ” l'encourage-t-elle quand elle le voit s'immobiliser comme une proie en face d'un prédateur. “ It's for you. ”

Harry hésite. Pendant des années, il n'a jamais rien eu pour son anniversaire. Et puis, ses amis ont commencé à lui offrir des cadeaux à Poudlard. Certains utiles, d'autres inutiles, certains farfelus, d'autres trop sérieux. Mais les objets ne comptaient pas vraiment aux yeux d'Harry. C'était l'intention, le fait que quelqu'un ait passé un peu de son temps libre à penser à lui.

Narcissa a pensé à lui.

Il s'approche et déchire le papier cadeau lentement, faisant bien attention à suivre les lignes de plis. Il ne comprend pas trop ce qu'il voit une fois que c'est déballé. Narcissa voit son air un peu dérouté et agite sa baguette pour ouvrir la boîte. Harry l'envie. Il n'a toujours pas le droit de porter une baguette.

Danger pour lui-même plus que pour les autres, doit-il se rappeler.

“ It's... really nice. ” Narcissa se lève, attrape son verre de vin en même temps, et vient se tenir près de lui pour regarder avec lui la machine à écrire dernier cri qu'elle veut lui offrir pour son anniversaire. Harry se souvient vaguement de l'ordinateur que les Dursleys avaient à la maison, et au fait qu'il devait se faufiler jusqu'à la salle de jeu pour en essayer les touches rapidement, fasciné. Cette machine à écrire a l'air de faire partir du début du siècle dernier pour les moldus. Aujourd'hui pour les sorciers. Cette différence l'a toujours fait sourire. “ It's too much. I can't accept... — Don't be ridiculous, ” dit gentiment Narcissa en posant sa main sur son épaule pendant un bref instant. Harry ne peut pas s'empêcher de s'appuyer contre ce bref contact réconfortant, cette chaleur humaine. “ Happy birthday. ” Il tourne la tête vers elle.

Et enfin, se détend. Sourit. “ Thank you, Narcissa. ”

“ Sweating through your shirt, boy? ” Harry s'interrompt, repose la hache et se passe une main dans les cheveux pour les retirer de ses yeux en se redressant, finissant par froncer les sourcils à l'adresse de Pettigrew quand il le reconnaît. Il hausse les épaules. C'est vrai que c'est stupide, un sorcier qui attrape une hache pour couper du bois, mais il n'a toujours pas le droit à la baguette, et les elfes en ont besoin en cuisine. Harry se propose toujours pour cette tâche ingrate parce qu'il aime faire quelque chose. Il tourne en rond dans le manoir. Il aime la liberté, mais c'est vrai qu'on en a vite fait le tour, sans avoir le droit de pratiquer des sortilèges ou de faire des potions ou quoique ce soit touchant de près ou de loin à la magie. Il pourrait lire les livres de l'imposante bibliothèque mais... Harry n'a jamais été un grand lecteur. Il discute parfois avec Narcissa, plus rarement avec son nouveau mari Colm, rarement avec Pettigrew.

Il ne l'aime pas. L'homme le dégoûte. Le Seigneur a été... gentil de le lui offrir, de le laisser décider de son sort. Harry n'a pas voulu le tuer, peut-être qu'il aurait dû. Depuis Pettigrew le suit comme son ombre. Il essaie de se faire aussi petit que le rat qu'il est, mais Harry le voit toujours, dans le coin de son oeil, et il ressent un élan de haine ou de mépris ou de dégoût.

“ Don't call me that, ” fait-il d'un ton tranchant en s'étirant les doigts, fourbus à cause de la hache. “ What do you want? ” Pettigrw ne semble pas se formaliser de sa rudesse. Il a changé en quelques mois. Effacé, mais moins tremblant. Il est presque irreconnaissable, même physiquement. Il a toujours cette même tête de rat. “ I have something for you. From Him. ” Harry arrête ses mouvements, il était déjà en train de reprendre son travail, pour le darder d'un regard curieux. Il finit par hocher la tête et par accepter de le suivre à l'intérieur du manoir, secrètement soulagé de la chaleur qui l'enveloppe instantanément. Malgré son épais manteau ensorcelé pour lui tenir chaud, le bout de son nez et son menton étaient en train de geler à l'extérieur.

Il ne peut pas s'empêcher d'inspirer profondément avec un léger sourire quand la délicieuse odeur de pain d'épices lui monte au nez. Ça lui rappelle Poudlard, ça lui rappelle la cuisine de Molly aussi. Il fronce les sourcils quand un élancement familier le prend derrière le front — rien à voir avec sa cicatrice, ces maux de tête sont plus fréquents, et moins violents — tout en suivant Pettigrew après avoir retiré son manteau. Le Seigneur envoie rarement quelqu'un à sa place: lui et Harry se voient de temps en temps, parlent. Étrange, de se dire ça: que lui et Voldemort parlent, discutent, échangent. Ce n'est jamais agréable bien entendu. Mais Voldemort est plus intelligent et intéressant qu'aurait pu le penser Harry il y a quelques années. Harry le voit mal envoyer un missionnaire, et encore moins Pettigrew, à sa place.

Pettigrew l'emmène dans une des multiples salles de lecture. S'y trouve déjà un homme, que Harry reconnait immédiatement, malgré les années qui ont passé. “ Mister-- ” commence-t-il avec entrain, mais il s'interrompt en fronçant les sourcils, se rendant compte qu'il s'est trompé. L'homme en face de lui ne reconnait pas à celui qu'il a rencontré il y a quatorze ans déjà. Il se relève avec un petit rire, s'approchant d'Harry en remontant ses lunettes sur son nez. “ Mr Potter, it's an honor meeting you. — Are you... Mr Ollivander? — Yes I am. But I believe you're more familiar with my cousin... — Oh. ” Harry se demande si Ollivander est mort, depuis. Peu importe. Il serre la main du cousin du baguettiste, avant de poser un regard interrogateur sur Pettigrew. “ To business, Ollivander. ”

Ollivander cligne des yeux, il était en train d'observer Harry avec fascination. Harry se sent un peu mal à l'aise, mais il imagine que personne ne sait qu'il est en vie alors ce doit être surprenant de le voir ainsi, surtout aux côtés de Pettigrew, et dans la maison d'une ancienne Malfoy redevenue Black... “ Of course, of course, ” dit-il d'une manière similiaire à son cousin, avant de se tourner vers la table au milieu de la pièce, sur laquelle sont posées trois boîtes, similaires à celles qu'Harry avait vu au magasin Ollivander la première fois qu'il était allé au Chemin de Traverse.

Il sent son coeur se mettre à battre très vite et fort dans sa poitrine. “ Am I...? ” demande-t-il à Pettigrew, sans finir sa question. Celui-ci lui adresse un petit hochement de tête rapidement. “ The Lord decided it was time to put in you the trust you're putting in Him. ” Harry se sent euphorique, alors qu'il s'approche de la table et des baguettes qu'Ollivander est en train de sortir de leurs boîtes.

Étrangement, la première semble être la bonne. Harry la prend et elle se cale parfaitement dans sa main et il sent ce quelque chose comme il y a quatorze ans chez l'autre Ollivander. Il la pointe aussitôt vers le feu de cheminée (il n'imagine pas la crispation de Pettigrew, sa main qui a volé sur sa propre baguette; et celle d'Ollivander, son mouvement de recul) et les flammes brûlent bleu. “ Perfect, ” commente-t-il simplement, se sentant ivre de pouvoir, de capacité. De magie.

Cela fait des années, presque une décennie, qu'il n'a pas touché à la magie. “ It's perfect, ” répète-t-il en se tournant vers Ollivander. “ What is it? ” Ollivander tend les mains et Harry est réticent à lui donner son nouveau objet de pouvoir, mais finit par s'exécuter à contre-coeur. “ Hmm... unicorn hair... strong, yet pliable, mahogany... eleven inches... I believe... ” Harry arque un sourcil. Il se rappelle vaguement de quelque chose... Ollivander semble être dans la même situation, les sourcils froncés, faisant tourner la baguette entre ses doigts osseux avant de la lui rendre. “ Mr Potter, many years ago, I made a wand similar to this one. A wand exactly like the one you're holding, but with hair from a different unicorn. ” Harry fait tourner son poignet, tenant fermement la baguette. Son ancienne baguette était la jumelle de celle de Voldemort; celle-ci est différente, il pense, vu la manière qu'a Ollivander d'en parler. Mais comment? “ That other wand, Mr Potter, went to your father. ”

Harry passe la soirée dans la salle de lecture, seul. Il joue un peu avec les livres, et les flammes, et les tableaux, et les bougies. Ça lui revient vite, la magie, c'est naturel. Il est un peu rouillé bien entendu, c'est un muscle qu'il n'a pas utilisé depuis longtemps. Mais il adore ça, le pouvoir simple et jouissif de changer le monde autour de soi d'un mouvement de baguette.

“ Harry? ” Il tourne la tête pour jeter un coup d'oeil à Pettigrew. “ Mrs Black has been asking for you. — I don't think I'll be joining you for dinner tonight, ” répond-t-il posément. Pettigrew hoche la tête, mais plutôt que de partir, fait quelques pas dans sa direction. Harry ne le lâche pas les yeux, le défiant de s'approcher plus encore. “ Your father... ” Harry détourne les yeux pour les planter sur le feu de cheminée. “ He was a phenomenal wizard. ” Harry ne répond pas pendant un long moment. “ Join me, ” propose-t-il, toujours sans le regarder. “ Tell me about him. ”

“ I just think it's not safe. — What's not safe? ” demande Harry en atterrissant gracieusement à côté de Narcissa et Draco. Narcissa pose un petit soupir en haussant les épaules, jetant un regard en coin à Draco qui se renfrogne légèrement en rendant à Harry son air plein de défi. Harry sait bien ce que Draco pense: que ce n'est pas safe de le laisser utiliser un balai. Même avec les protections sur le manoir Malfoy qui empêchent les intrus d'entrer (et les prisonniers de s'enfuir — toutefois, personne ne considère Harry ainsi), il pourrait plus facilement leur échapper de cette manière...

Harry n'aime pas quand Draco rentre chez lui. Il le préfère loin, dans son appartement, seul. Draco le rend nerveux, son regard trop clair et perçant l'observe toujours avec distance et mépris, même après toutes ces années. Il a une manière terrible de le mettre de mauvaise humeur, de le rendre sarcastique et mesquin. Il prend soin de l'ignorer et de l'éviter d'ordinaire, mais Draco rend ça plus difficile quand il vient le chercher. “ I get it, you don't think you could catch up with me. You couldn't. — It's not that, ” fait Draco avec humeur, et Harry peut déjà le voir se vexé. “ Right. ” Harry hausse les épaules en prenant un peu de hauteur. “ You were never as fast as me. ”

Il s'envole sans un regard en arrière, quoique devinant l'amusement de Narcissa et l'agacement de Draco, ce qui ne fait que décupler sa sensation de bien-être. Il fait très froid, et encore plus à mesure qu'il prend de l'altitude, mais rien ne le démoralise depuis que Narcissa lui a offert un balai pour Noël. Il fait le tour du manoir, il a même invoqué avec sa baguette des cercles dorés dans lesquels il passe, redoublant d'agilité et de vitesse à chaque fois. Il joue parfois avec un petit Vif d'entraînement, ou des Souaffles enchantés qui se baladent nerveusement autour de la propriété des Malfoy, mais aujourd'hui il se contente simplement de profiter du bon matin pour se rafraîchir les idées. Narcissa peut passer des heures à l'observer tourner, travaillant sur la table dehors, protégée du froid par un sortilège de chaleur. Des fois, elle envoie elle-même le Souaffle dans sa direction.

Il ferme les yeux un moment, après avoir ajusté ses lunettes de Quidditch autour de ses yeux. Profite de la sensation de plénitude et de vide à la fois, cette sensation familière et dangereuse. Il se souvient de Poudlard... Il se souvient...

Quelque chose lui rentre violemment dans le flanc, et il pense au début que c'est l'arbre magique au sud du manoir dont les branches ont tendance à essayer de le chasser quand il en vole trop près mais non. “ Hey! ” s'écrie Harry en reconnaissant Draco. “ What, scared you're going to lose, Potter? — Lose what?! ” L'autre ne répond pas et, avec une lueur pernicieuse dans le regard, retourne le flanquer douloureusement avant d'accélérer pour voler jusqu'au cercle doré suivant. Il faut quelques secondes à Harry pour comprendre, avant de se mettre à accélérer en grommelant, se sentant rougir d'embarras et de colère malgré lui.

Il parvient à le rattraper et ils sont côte à côte pendant le reste du dernier tour, se donnant des coups dans les flancs et des coups d'épaules. C'est Harry qui finit par arriver à accélérer et par passer à travers le dernier anneau doré en premier. Il n'a pas le temps d'hurler de victoire et de se réjouir (quoique montrer son sentiment de joie à cette idée serait montrer à quel point c'est important pour lui de prouver sa valeur à Malfoy) qu'encore une fois, Draco lui rentre dedans violemment. Il est propulsé de son balai et roule sur le sol douloureusement pendant quelques mètres, Draco en même temps que lui. Il ne croit pas rêver les coups de poing que lui fout l'autre jeune homme alors il y répond, comme si ils avaient encore douze ans, comme si ils étaient encore à l'école. “ You cheated! — No I didn't! How would I cheat, you thick idio-- ” Il s'interrompt en bloquant le poing de Draco, le faisant bousculer pour reprendre le dessus. “ I don't know how but-- — You're just a sore loser-- ” Ils s'interrompent pour se battre, roulant dans la terre et la neige en grognant et en se foutant des coups de pied dans les côtes, jusqu'à ce que Narcissa les rejoigne et les sépare d'un mouvement de baguette. “ Boys, please. ” Elle n'est pas habituée à ce genre d'effusions, mais pas surprise non plus, soupirant en haussant les sourcils. Du bout de la baguette, elle les fait flotter à quelques centimètres au-dessus du sol. “ Apologise, ” demande-t-elle à l'un et à l'autre, et ils se regardent en chien de faïence en s'attendant à ce que l'autre commence. “ You first, Draco. ”

Draco adresse à sa mère un regard blessé et trahi, mais fini par marmonner, entre deux rangées de dents serrées: “ Sorry for pushing you. — Good. Your turn, Harry. ” Harry grince des dents. Il aimerait lui dire qu'il est désolé qu'il soit si nul au Quidditch, mais ce n'est pas de sa faute non plus. “ I'm sorry, ” finit-il par dire et Narcissa, satisfaite, les laisse retomber au sol. “ Good. Now pick up your brooms and go back inside before either of you catch a cold. ” Les deux garçons — qui sont désormais des hommes, mais oublient toujours de se comporter comme tels quand ils sont dans la même pièce — grommellent en la suivant, têtes baissées. “ Spineless dickhead, ” lui marmonne Harry. “ Useless moron. ”

ET VOILÀ.  Le plus dur est fait et n'est plus à refaire, tu es désormais officiellement un membre de Smoke and Mirrors en bonne et due forme, félicitations! TON HARRY AAAAAAAAAAAAH     j'adore voir à quel point tu peux t'adapter à tous les personnages, t'es trop perf je meurs trop hâte de crouler sous les feels qui font mal et lire ce que tu vas faire avec Harry
(btw, t'as géré   ) Ton personnage peut désormais faire ses premiers pas dans la partie rp du forum, mais avant toute chose, n'oublie pas de visiter ces quelques sujets:

(◮) Les fiche de liens pour se faire des amis, des ennemis, retrouver une famille depuis longtemps perdue et apprendre à connaître ses voisins.
(◮) Les scénarios si tu as une idée de lien ou de personnage particulier en tête, pour inciter les invités à nous rejoindre.
(◮) Le Daily Prophet pour se tenir au courant de ce qui se passe dans le monde sorcier et qui influera sur les divers events et intrigues du forum.
(◮) Et enfin le flood bien évidemment, pour apprendre à se connaître les uns les autres dans le respect et l'amour le plus total.

Si jamais tu as le moindre doute sur quoique ce soit, n'hésite pas à venir voir un membre du staff, nous ne mordons pas du tout et nous sommes là pour que tout le monde ait une bonne expérience sur le forum.

Enfin, BON JEU sur le forum, que tes RPs soient plein de feels, de rires et de larmes, que tes personnages souffrent mille morts avant de connaître le bonheur et longue vie au Lord.