Tu te fichais parfaitement de savoir avec qui Langford Prewett aurait l’audace de se ramener à ton mariage. Tel que tu le connaissais, il serait certainement ivre avant même que la soirée n’ait commencé, et il faudrait certainement l’écarter pour lui permettre de mieux retrouver ses sens. Et après tout, toi-même n’étais pas certaine de rester bien longtemps à ce fichu mariage ; peut-être juste le temps de saluer l’ensemble des invités si tu étais suffisamment d’humeur à te livrer aux mondanités. Tu avais pleinement conscience du scandale que ta fuite devant l’autel représenterait, et si la haute société sorcière ne se priverait pas de jaser à ce sujet durant des semaines, tu comptais énormément -et probablement un peu trop- sur le frère de ton amant pour trouver un scandale plus gros encore à étaler en une des médias qu’il administrait de si près. Tu jubilais d’avance de voir l’expression ahurie de ton paternel en observant sa fille fuir aux côtés de son hybride de compagnie. Ta vengeance semblait avoir un prix auquel Wolfram n’avait pas suffisamment songé.

Mais voilà que l’adrénaline de votre assaut rocambolesque te ramène à la réalité. Dans ton élan d’euphorie, tu as un peu trop forcé sur la baguette et ton incendio devient rapidement incontrôlable. Guère d’humeur à faire dans la dentelle, tu estimes qu’il vaut mieux en finir rapidement et ne pas perdre trop de temps sur les détails. Certes Yaxley avait précisé qu’il tenait à voir les harpies vivantes, mais tu l’imaginais mal chouiner devant la mort de ses créatures. Alors maintenant qu’elles avaient été alertées par le raffut que tu avais causé au rez-de-chaussée, tu espérais pouvoir les prendre au piège dans le brasier du salon avant que le feu ne se propage dangereusement et que la toiture de la demeure ne vous tombe sur la tête. Mais voilà que ton hound ne semble pas particulièrement approuver ta méthode quelque peu brutale. L’entendant s’adresser à Prewett, tu laisses échapper un juron tout en levant les yeux au ciel. La seule raison qui puisse justifier sa présence à l’étage de votre bâtisse est que celle qu’il était chargé d’inspecter devait être vide. Sinon, il aurait été impossible, le connaissant, qu’il ait déjà fini le boulot.

Alors que tu étais sur le point de quitter le salon pour rappeler à Boris qui de vous deux était en charge de l’opération, celui-ci te devance et fait irruption dans la pièce qui continuait de s’embraser. Mais avant qu’il n’ait eu le temps de te convaincre de déguerpir, un morceau du plafond vient s’effondrer devant l’ouverture donnant sur le couloir. Le ton suffisant de Boris t’irrite plus encore que la fumée de l’incendie qui s’immisce peu à peu dans ta gorge. Oui peut-être étais-tu allée un peu trop loin avec cet incendio, mais ce n’était tout de même pas la fin du monde, tu avais encore de la ressource. Et c’était certainement cela le plus inquiétant dans l’histoire. « Continue de les tenir à distance. En silence. Moi je m’occupe du reste. » Tu savais bien que Boris n’était pas du genre à se taire, peu importe la situation, mais telle une vieille mégère, tu ne te lassais pas de lui répéter de la fermer. Pas question d’utiliser un aguamenti, cela équivaudrait à donne raison à Bagshot et à sauver la vie de ces harpies. Alors que tu observais frénétiquement la pièce jusque dans les moindres recoins, tentant de trouver une issue qui ne consiste pas à vous faire tous ensevelir sous les décombres de la vieille bâtisse, tu commenças à enchaîner les idées hasardeuses. Non un bombarda serait certainement trop risqué, Ulrike, trouve autre chose. A mesure que le feu se propageait, l’air devenait de plus en plus suffoquant. Tu étais déjà prise d’une quinte de toux et l’opacité de la fumée commençait à masquer dangereusement Bagshot et sa pâleur légendaire. Si tu ne trouvais pas dans les trente secondes qui viennent une issue de secours, vous seriez bientôt faits comme des rats, ou plutôt comme les harpies qui rôdaient furieusement autour de vous tout en poussant d’horribles couinements paniqués. Il semblait bien que tu sois la seule à ne pas véritablement perdre ton calme ni t’inquiéter de l’urgence de la situation. Sûrement parce que tu avais vécu bien pire. Ou parce que tu n’étais pas douée de ce sens de la perception qu’avaient les êtres humains normaux. Quoiqu’il en soit, devant le manque d’affluence de propositions sensées pour vous tirer d’affaire, tu finis par te résoudre à agripper fermement le bras de ton hound, non sans afficher une moue de dégoût à l’idée d’être aussi proche d’un hybride. Et puis, avant d’entraîner Boris dans un tourbillon à vous donner la nausée, tu laissas aux pauvres créatures un sourire carnassier en guise de dernier souvenir. Une fois le transplanage hors de la maison réussi, tu lâchas immédiatement le hound avant de pointer ta baguette sur la bâtisse en flammes. « Bombarda maxima ! » Le bruit sourd de l’explosion se mêla à celui du crépitement des flammes et plus aucun couinement de harpies ne s’éleva des lieux. L’air satisfait, tu essuyas d’un revers de manche la suie qui recouvrait ton visage avant de reporter ton attention sur Boris. « Tu vois, Bagshot, pas besoin d’aguamenti. L’explosion devrait contenir l’incendie. Et sinon les prochaines pluies s’en chargeront. » Et d’un haussement d’épaules témoignant l’ampleur de ton désintérêt, tu fis volte-face avant de te diriger vers Langford et Siegfried. « Voilà que le problème est réglé pour de bon. Cela devrait envoyer un message suffisamment clair aux colonies de harpies restantes. Prewett, on vous escorte jusqu’au Ministère toi et ton hound. Faudrait pas que votre bonté d’âme prenne le dessus et que ces sales créatures prennent la fuite pendant le trajet. » Drapée dans ton orgueil, il t’était bien impossible de reconnaître que tu n’avais pas exactement fait ce qui avait été demandé. Tu partais du principe qu’un interrogatoire sur ces choses-là ne mènerait à rien et qu’au final le service des hybrides finirait par se salir les mains à votre place. Toi tu préférais les circuits courts, les organisations dans lesquelles il y avait le moins d’intermédiaires possible. « Bagshot, profite du trajet pour réfléchir à la façon dont tu vas faire le récit de cette aventure à mon père. »

Malgré les flammes qui lèchent le sol et les murs, ton handler ne perd pas le nord. Elle te demande de continuer de tenir les harpies à distance, ce qui est clairement inutile parce qu’à ce stade, elles n’en ont plus après votre peau, trop préoccupées à vouloir sauver la leur. Donc, au final, c’est davantage le feu que tu tiens à distance. Tu en arrives presque à recouvrir une température corporelle humaine, à cause de l’incroyable chaleur qui consume ton épiderme froid. Heureusement, ta respiration au ralenti te permet de ne pas t’asphyxier trop rapidement, bien que la panique a tendance à te faire de nouveau respirer à cadence humaine. En revanche, t’exécuter en silence, ça ne sera pas pour cette fois. La peur te fait jurer entre deux sortilèges, sifflant sur tes lèvres abîmées par tes dents trop longues.  

La main d’Ulrike sur ton bras manque de te faire faire un bond. Tu ne comprends pas tout de suite que vous transplanez soudainement hors de la maison. Tu es pris par surprise, de fait, tu n’ouvres pas tout de suite les yeux, une fois à l’air libre, de peur de ne pas voir tes deux bras en place, ou tu ne sais quelle partie de ton corps qui se serait désartibulée. C’est le bruit de l’explosion qui te fait rouvrir les yeux. « Nan mais je rêve… » que tu siffles comme une vipère, dérobant ton regard transparent à la chaleur des flammes. Tu lèves les yeux au ciel. « Ils vont être contents, les Oubliators ; c’est les prochaines pluies qui vont effacer les souvenirs moldus aussi ? » Tu époussettes les épaules de ta cape, replaces une mèche de cheveux gominés. « C’est un miracle que tu ne sois jamais tombée sur un moldu te surprenant la main dans le sac… Parce que c’est vraiment pas la discrétion qui t’étouffe. »

Un peu plus loin, Ford et Sid finissaient de vérifier les entraves des deux harpies survivantes. « Ouais, c’est ça, escortez-nous ; mais tu peux toujours te brosser pour t’accaparer les survivantes ! » que raille Ford à l’attention de la jeune femme, mimant grossièrement sa menace. Pour une fois qu’il faisait mieux son travail que quelqu’un d’autre… Enfin, que Sid faisait mieux son travail. « Elle a pas besoin de ça pour se faire mousser… » que tu gémis en haussant les épaules. Tu as beau prendre sa défense, une fois encore, Ulrike te plante une dague dans le dos, en évoquant de nouveau son regretté paternel. Tu pourrais contester le fait d’aller dire quoi que ce soit à son père. Tu pourrais jouer l’effarouché à l’idée de pouvoir entrer en contact avec un sang-pur tout ce qu’il y a de plus convenable. Pourtant, tu te mets donc en route, le pas chaloupé comme un top model sous antidépresseur magique, le menton haut à réfléchir. « Hmm, ça te dérange pas si je tourne le récit un peu en ma faveur ? Du genre, c’est pas moi qui ai rameuté tous les voisins moldus du coin en faisant tout exploser… Ah, non, pardon ; ça, j’ai pas besoin de l’inventer, puisque c’est la vérité... » tu ricanes, haut perché. « Sinon, j’peux faire genre je suis humble ; il aime les personnes humbles, ton père ? Ou ça lui change trop de sa petite fille chérie ? » Tu trottes un peu plus vite pour te rapprocher du duo devant vous, au cas où il lui prenne la saugrenue idée de te balancer un sortilège vengeur. « Enfin, ne t’inquiète pas, dans tous les cas, je lui dirai rien sur ton sandwich à la viande matinal… Il faudrait pas que le pauvre vieux nous fasse une attaque avant ton mariage ! »