Le maquillage, les spots, les caméras, ce n’est pas une mascarade que tu fuis. Tu aimes ça au contraire, faire le show devant les objectifs, ça fait partie de ton métier et tu n’y rechignes jamais. Jamais ou presque jamais. Non pas que tu aies montré le moindre signe que venir ici ne te ferait pas plaisir, Alastar Fawley est toujours enthousiaste à l’idée de faire son devoir pour la patrie et d’aider le régime. Sous ta couverture de sourires, la gerbe. La nausée, les tripes qui se retournent, de devoir à nouveau déterrer Wyatt pour cracher sur son cadavre. Huit ans qu’il est mort et ils ne veulent pas le laisser reposer en paix, vous n’avez toujours pas le droit de faire votre deuil. Tous ces horribles mensonges qu’il faut déblatérer avec l’air contrit. ‘Vous n’avez pas idée de l’horreur que j’ai ressentie quand j’ai compris que mon frère nous avait trahi’. Et d’élaborer sur son chemin dépravé, sur sa cécité face aux réels problèmes que le Lord allait résoudre – et a d’ailleurs résolus vive le Lord. Le final est larmoyant quand toi et celle qui t’accompagne arrivez à la déchirante conclusion que vos proches, ces traîtres au régime, ont fait le mauvais choix mais c’est à cause de cette organisation maléfique qui leur a retourné le cerveau. L’ordre du phœnix déchire les familles, fait de nos frères, nos enfants, nos parents, des monstres qui veulent porter atteinte à nos vies. L’ordre est un danger et on ne peut continuer à l’autoriser à user des plus faibles d’entre nous pour en faire des marionnettes, ils sont séduisants mais empoisonnés. Heureusement qu’ils t’ont bien maquillé, tu ne sais pas sinon si tu serais pâle à t’en rendre malade ou au contraire empourpré de rage à force de débiter ces saloperies.

Ce qui te donne peut-être encore plus la houle au cœur c’est de voir Alicia à tes côtés encore une fois. Ils aiment bien vous mettre en scène tous les deux, les anciens joueurs de quidditch de gryffondor dont les proches se sont fait tuer pour l’ordre et qui se sont repentis pour arriver au sommet de leur carrière en tant que joueurs professionnels. Les journaux et le gouvernement adorent de bons duos parallèles. S’ils savaient que votre rapprochement ne s’arrête pas à cette année en commun à Poudlard, que vous avez été tous deux dans les rangs de l’organisation ennemie, côte à côte. Peut-être que les journalistes souriraient moins. Quel gâchis putain. Quand du coin de l’œil tu vois la blonde parler d’à quel point l’ordre a ruiné sa vie, ça te dégoûte de savoir qu’elle en croit chaque mot. C’est elle la traîtresse, pas sa mère, pas ton frère. Tu revois ce bout d’adolescente qu’elle était sous ta direction de capitaine dans le temps ; puis la jeune femme forte qui tenait tête aux tyrans. Maintenant elle se couche à leurs pieds, se plie à leur volonté, y croit dur comme fer. Bien sûr on pourrait penser qu’il t’est arrivé la même chose mais tu peux te draper dans le fait que tes mots ne sont qu’un mensonge, que ta vraie allégeance n’a jamais changé. Toi, tu n’as pas véritablement retourné ta veste. Quand la caméra s’éteint et qu’on vous remercie tu n’as qu’une envie, fuir. Aller vomir peut-être, ou retenir des larmes d’avoir à nouveau trahi la mémoire de Wyatt. Mais quand tu vas chercher un verre d’eau pour tenter d’apaiser ton estomac et cette sécheresse dans ta bouche, tu es arrêté par la joueuse. « Et bien encore une belle interview n’est-ce pas ? » Elle est sérieuse ? Même ayant changé de camp elle ne peut tout de même pas apprécier le fait d’insulter sa défunte mère non ? Le rire que tu veux décontracté est un peu coincé. « Tu parles, ils m’ont maquillé comme s’ils avaient peur que ma véritable peau fasse une apparition ! » C’est vrai qu’ils sont allés un peu fort sur le fond de teint au département maquillage mais ça t’a bien servi au final. « En tout cas bravo. » C’est mécaniquement, sans la moindre hésitation, que tu serres la main qu’elle te tend. Oui on peut te féliciter d’exceller autant dans ton rôle de porte-parole du gouvernement, c’est n’est pas facile à endosser mais finalement ça a l’air tellement naturel, presque comme si ça ne te gênait pas aussi. « Bravo à toi aussi, un autre présentateur de vaincu. » Tu jettes un œil à ton cristal, qui n’a aucun message, mais feins d’y voir quelque chose d’important. « Bon, désolé, mais je dois filer moi, on se voit une autre fois ? » Faire la conversation à Spinnet comme si tout allait bien ne fais pas partie de tes plans, t’as suffisamment la gerbe comme ça sans en rajouter.